Page 120 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL.                                115

          L’Angleterre, avec un génie artistique plus  sage, conserva plus longtemps qu’aucune
                                                   autre nation le goût des vitraux peints. Seu­
                                                   lement on s’attacha à imiter les tons et le co­
                                                   loris de la peinture à l’huile ; de sorte que les
                                                   tableaux sur verre exécutés dans la Grande-
                                                   Bretagne, pendant le xvne et le xvim siècle,
                                                   ne sont plus que des copies transparentes
                                                   des tableaux de grands maîtres, ce qui n’est
                                                   nullement l’objet de la peinture sur verre,
                                                   peinture essentiellement aérienne et lumi­
                                                   neuse, et qui n’a rien à gagner à l’assimilation
                                                   avec les peintures sur une surface opaque.
                                                     Pendant le xvme siècle, la peinture sur
                                                   verre continua donc d’être pratiquée en An­
                                                   gleterre, mais avec la déviation que nous ve­
                                                   nons de signaler.
                                                     Au commencement de notre siècle, cette
                                                   branche de l’art était tombée partout en dé­
                                                   cadence ; il n’existait alors en France ni en
                                                   Italie aucun peintre-verrier.
                                                     Ce fut l’Empereur Napoléon Ier qui eut l’i­
                                                   dée de faire revivre parmi nous ce genre aban­
                                                   donné. Les vitraux de l’église de Saint-Denis
                                                   étaient singulièrement dégradés; en 1803
                                                   l’Empereur chargea un architecte, nommé
                                                   Debret, de s’occuper de la restauration de ces
                                                   vitraux. Debret chercha à découvrir quelque
                                                   artiste au courant de la peinture sur verre,
                                                   mais il ne put en trouver un seul en France.
                                                   Il essaya alors de procéder lui-même à cette
                                                   restauration, guidé par le chimiste Darcet
                                                   père, et un émailleur du Palais-Royal ; mais
                                                   il ne put réussir à rien.
                                                     Ce fut un amateur de peinture, M. de Noé,
                                                   le grand-père du caricaturiste Chain (car le
                                                   pseudonyme de Cham signifie fils de Noé),
                                                   qui réussit à restaurer en France la peinture
                                                   sur verre. Apprenant que la tradition en était
                                                   encore conservée en Angleterre, M. de Noé,
                                                   avec l’appui du préfet de la Seine, M. de
                                                   Chabrol, se rendit à Londres, en 1818. 11
                                                   amena à Paris des artistes et des ouvriers,
          Fig. 90. — Travée de l’église abbatiale de Saint-Denis   qui, sous sa direction, commencèrent les
                        avec vitraux.
                                                   travaux de la restauration des vitraux de
         lourd, mais plus tenace et plus fidèle à l’u­  Saint-Denis.
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