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120 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE
vaient aux églises les cloches, pour en faire des I mière opération s’appelle tracer les cartons.
canons, de très-mauvais canons, d’ailleurs, Ces cartons sont remis au peintre-verrier
attendu que le bronze des cloches n’est pas qui doit les reproduire, avec la plus scrupu
celui des bouches à feu. Ces stupides démo leuse exactitude, sur les fragments de verre
lisseurs, passèrent bientôt, et tout naturelle destinés à répondre à chacun d’eux. Pour
ment, des cloches des églises aux vitraux. cela, le verrier applique un morceau de verre
Ils brisèrent ces vitraux, pour retirer l’or sur chaque carton, qui n’est autre chose
qu’ils croyaient contenu dans les teintes rou qu’un véritable patron, et avec un diamant,
ges. Une caisse pleine de débris de verre il suit les contours extérieurs de ce carton ;
rouge, enlevés aux verrières de plusieurs puis d’un coup sec, il casse le verre, selon les
églises de France, arriva, en 1792, à la Mon traits laissés par la morsure du diamant.
naie de Paris, avec ordre de déterminer la Les différents morceaux de verre qui doi
quantité d’or qu’ils contenaient. Heureuse vent composer le vitrail, étant coupés, on les
ment Darcet père se hâta de déclarer que ces réunit tous dans des châssis de plomb, et on
vitraux ne contenaient que du cuivre, sans j les relie ensemble par une forte armature de
aucune trace de métal précieux. Notre chi fer. Le vitrail étant ainsi monté, et prêt à être
miste sauva, de cette manière, les magnifiques peint, on porte cette espèce de fenêtre dans
monuments de l’art chrétien du Moyen âge. l’atelier du peintre.
C’est en effet au cuivre que les anciens Cet atelier (fig. 93) doit être exposé au jour
verres rouges doivent leur coloration. On le plus brillant, qui doit y arriver en plein.
admet généralement que ce métal s’y trouve On dresse le vitrail contre la lumière, et sou
sous forme de protoxyde, mais il est proba vent l’on bouche avec du drap noir, les par
ble qu’il existe à l’état de métal, de même ties, autres que le verre lui-même, par les
que l’or se trouve à l’état métallique dans les quelles le jour pourrait passer. L’artiste juge
verres que l’on teint en rose au moyen du mieux, par cette disposition, de l’effet de son
chlorure d’or, comme nous l’apprend M. Pé- travail.
ligot, dans le passage de son mémoire que Alors le peintre, assis sur une grande
nous avons cité plus haut. chaise, que l’on peut élever ou abaisser à
volonté, au moyen d’une manivelle et d'un
Après ce qui concerne la préparation des treuil, peint les verres suivant les indications
verres colorés en masse, arrivons à la véri des cartons. 11 se sert du pinceau pour appli
table peinture sur verre, qui consiste à appli quer les couleurs, de la hampe pour mettre
quer des couleurs sur une lame de verre au à nu la surface du verre et faire les points
moyen du feu. lumineux, et du blaireau pour dépouiller et
11 y a dans la peinture sur verre, deux par faire les demi-teintes.
ties bien distinctes : l’une se rapporte au
dessin, l’autre à son exécution par le verrier. Quelles sont les couleurs que les peintres-
En ce qui concerne le dessin, l’artiste trace verriers emploient?
d’abord son tableau coloré, à l’échelle qu’il Ces couleurs sont de véritables émaux,
juge convenable. Ensuite il porte tous les dé c’est-à-dire des silicates d’étain, substances
tails de cette composition, dans la dimen excessivement fusibles et richement colorées.
sion exacte que devra avoir le vitrail, sur A ces couleurs il faut joindre le fondant,
d’immenses feuilles de papier juxtaposées. qui est mêlé d'avance à chaque couleur et qui
11 indique 'avec soin en combien de frag- | doit la faire adhérer au verre après sa fusion,
ments le verre doit être découpé. Cette pre puis la couleur elle-même.