Page 502 - Les fables de Lafontaine
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SUPPLÉMENT
Les deux fables qui suivent sont toutes deux politiques. Jamais La
Fontaine ne les a admises dans ses recueils ; c’est pourquoi nous les don
nons sous forme de supplément.
1. — LE SOLEIL ET LES GRENOUILLES
Source. — P. Commire, Sol et Ranae, 1672.
Intérêt. — Publiée en 1672 en petit fascicule séparé, cette
fable est moins une fable qu’une allégorie politique : le soleil est
Louis XIV, et les Grenouilles dans leurs marais sont les Hollan
dais aux Pays-Bas. A rapprocher de VIII, 18, le Bassa et le Mar
chand. et de XI, 1, le Lion.
Les filles du limon tiraient du roi des astres 1
Assistance et protection.
Guerre ni pauvreté ni semblables désastres
Ne pouvaient approcher de cette nation.
Elle faisait valoir2 en cent lieux son empire *. 5
Les Reines des étangs, Grenouilles veux-je dire,
(Car, que coûte-t-il d’appeler
Les choses par noms honorables ?)
Contre leur bienfaiteur 3 osèrent cabaler,
Et devinrent insupportables. 10
L’imprudence, l’orgueil et l’oubli des bienfaits,
Enfants de la bonne fortune,
Firent bientôt crier cette troupe importune ;
On ne pouvait dormir en paix :
Si l’on eût cru leur murmure, 15
Elles auraient, par leurs cris,
Soulevé grands et petits
Contre l’œil de la nature 4.
Le soleil, à leur dire, allait tout consumer,
Il fallait promptement s’armer 20
1. Les grenouilles, le soleil. Périphrases, 24, d. — 2. Elle imposait.
— 3. L’indépendance des Pays-Bas avait été imposée par la France et
reconnue dans les traités de Westphalie (1648). — 4. Le soleil, qui
voit tout dans la nature. Périphrase antique.