Page 501 - Les fables de Lafontaine
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LE JUGE ARBITRE, L’HOSPITALIER ET LE SOLITAIRE 499

              Troublez l’eau : vous y voyez-vous?
       Agitez celle-ci : comment nous verrions-nous ?   45
               La vase est un épais nuage
       Qu’aux effets du cristal nous venons d’opposer.
       Mes frères, dit le saint, laissez-la reposer :
              Vous verrez alors votre image.
       Pour vous mieux contempler, demeurez au désert *. »  50
              Ainsi parla le Solitaire.
       Il fut cru, l’on suivit ce conseil salutaire.

       Ce n’est pas qu’un emploi * ne doive être souffert :
       Puisqu’on plaide et qu’on meurt et qu’on devient malade,
       Il faut des médecins, il faut des avocats.     55
       Ces secours, grâce à Dieu, ne nous manqueront pas ;
       Les honneurs et le gain, tout me le persuade.
       Cependant, on s’oublie en ces communs besoins *.
       O vous, dont le public emporte * tous les soins,
              Magistrats, Princes et Ministres,       60
       Vous que doivent * troubler mille accidents * sinistres,
       Que le malheur abat, que le bonheur corrompt,
       Vous ne vous voyez point, vous ne voyez personne.
       Si quelque bon moment à ces pensers * vous donne.
              Quelque flatteur vous interrompt.       65
       Cette leçon sera la fin de mes ouvrages.
       Puisse-t-elle être utile aux siècles à venir!
       Je la présente aux rois, je la propose aux sages :
              Par où * saurais *-je mieux finir ?
         Exercice complémentaire. — En prenant des éléments dans X, 9 ;
       XI, 4, et dans la présente fable, vous composerez un éloge de la Soli­
       tude, d’après La Fontaine.
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