Page 466 - Les fables de Lafontaine
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4Û2 FABLES. — LIVRE DOUZIÈME
d’accumuler les dettes. Voir Dom Juan, la scène de M. Dimanche.
On peut rapprocher cette fable, pour la première partie (1-21)
de VII, 13, l’ingratitude et l’injustice des Hommes envers laFortune,
dont l’idée directrice est toute différente.
Le Buisson, le Canard et la Chauve-Souris,
Voyant tous trois qu’en leur pays
Ils faisaient petite fortune *,
Vont trafiquer * au loin et font bourse commune1.
Ils avaient des comptoirs *, des facteurs *, des agents * 5
Non moins soigneux qu’intelligents,
Des registres exacts de mise * et de recette ;
Tout allait bien, quand leur emplette *,
En passant par certains * endroits
Remplis d’écueils et fort étroits 10
Et de trajet * très difficile,
Alla, tout emballée, au fond des magasins
Qui, du Tartare *, sont voisinsa.
Notre trio poussa * maint regret inutile,
Ou, plutôt, il n’en poussa point. 15
Le plus petit marchand est savant sur ce point :
Pour sauver son crédit *, il faut cacher sa perte.
Celle que, par malheur *, nos gens avaient soufferte *
Ne se put réparer : le cas * fut découvert.
Les voilà sans crédit, sans argent, sans ressource, 20
Prêts * à porter le bonnet * vert.
Aucun * ne leur ouvrit sa bourse,
Et le sort principal *, et les gros intérêts,
Et les sergents *, et les procès,
Et le créancier à la porte 3 25
Dès devant • la pointe du jour,
N’occupaient le trio qu’à chercher maint détour *
Pour contenter * cette cohorte ♦.
Le Buisson accrochait les passants à tous coups.
« Messieurs, leur disait-il, de grâce, apprenez-nous 30
En quel lieu sont les marchandises
Que certains gouffres nous ont prises. »
1. Entrée en matière directe, 26, b. — 2. C’est-à-dire dans les pro
fondeurs de la mer. Périphrase, 24, d. — 3. Accumulation, 23, a.