Page 464 - Les fables de Lafontaine
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460         FABLES. — LIVRE DOUZIÈME
              Affamerais-je, à votre avis,
              L’hôte et l’hôtesse et tout leur monde ?
              D’un grain de blé je me nourris,
             Une noix me rend toute ronde.           io
      A présent, je suis maigre. Attendez quelque temps ;
      Réservez ce repas à Messieurs vos Enfants. »
      Ainsi parlait au Chat la Souris attrapée.
             L’autre lui dit : « Tu t’es trompée.
      Est-ce à moi que l’on tient de semblables discours * ?  15
      Tu gagnerais autant de parler à des sourds.
      Chat, et vieux, pardonner? cela n’arrive guères *.
             Selon ces lois descends là-bas *,
             Meurs, et va-t’en tout * de ce pas *
             Haranguer les sœurs filandières *.      20
      Mes enfants trouveront assez d’autres repas. »
             Il tint parole 2.
                          Et, pour ma fable,
      Voici le sens • moral qui peut y convenir :
      La jeunesse sç flatte * et croit tout obtenir,
             La vieillesse est impitoyable.         25
       Exercice complémentaire. — La morale vous semble-t-elle
      découler naturellement du récit? Vous semble-t-elle d'une vérité indis­
      cutable?


                  6.  — LE CERF MALADE
       Source. — Peut-être Desmay : l'Ésope du temps (1677).
       Intérêt. — Petit tableau réaliste, où l’affabulation animale voile
     à peine la réalité humaine : l’agitation intéressée, souvent du
     moins, des médecins, confesseurs, parents, amis et voisins, autour
     du moribond réduit à l’impuissance, pour se goberger à ses dépens.
     En pays plein de cerfs, un Cerf tomba malade.
             Incontinent *, maint camarade
     Accourt à son grabat le voir, le secourir,
     Le consoler du moins : multitude importune!
       2 Exemple typique de conclusion brève, 26, g.
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