Page 460 - Les fables de Lafontaine
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456 FABLES. — LIVRE DOUZIÈME
Les raisons en seraient trop longues à déduire *. 25
Un jour donc, l’animal, qui ne songeait qu’à nuire,
Détachait du monceau, tantôt quelque doublon *,
Un jacobus *, un ducaton *,
Et puis quelque noble * à la rose ;
Éprouvait son adresse et sa force à * jeter 30
Ces morceaux de métal qui se font souhaiter
Par les humains sur toute chose.
S’il n’avait entendu son compteur 5 à la fin
Mettre la clef dans la serrure,
Les ducats auraient pris tous le même chemin 35
Et couru la même aventure *.
Il les aurait fait tous voler, jusqu’au dernier, ,
Dans le gouffre enrichi par maint et maint naufrage 6.
Dieu veuille préserver 7 maint et maint financier
Qui n’en fait pas meilleur usage. 40
Exercice complémentaire. — Faites, d’après cette fable, le
parallèle entre le Prodigue et l’Avare, et concluez.
4. — LES DEUX CHÈVRES
Sources. — Sans doute Pline, VIII, 36 ; à moins que ce ne soit
un devoir donné par Fénelon au duc de Bourgogne. Mais l’anté
riorité du devoir est douteuse. La fable a été publiée dans le Mercure
Galant, en 1691, livraison de février.
Intérêt. — Fable admirable de pittoresque, de mouvement et
d’ironie. C’est un chef-d’œuvre du genre « fable ornée ».
Dès que les Chèvres ont brouté,
Certain esprit * de liberté
Leur fait chercher fortune * ; elles vont en voyage
Vers les endroits du pâturage
5. L’Avare. Le mot « compteur » était alors très rare. — 6. La
mer. Périphrase, 24, d. — 7. Formule de ton bénin, qui signifie seu
lement : Que Dieu ait la bonté de sauver... ; ce souhait pieux revient
à dire : Que Dieu sauve les financiers, car, étant avares, ils ont bien
besoin du secours divin pour entrer au paradis.