Page 458 - Les fables de Lafontaine

+54 FABLES. — LIVRE DOUZIÈME
Le Passereau, moins circonspect 3, io
Lui donnait force * coups de bec.
En sage et discrète personne 4,
Maître Chat excusait ces jeux.
Entre amis, il ne faut jamais qu’on s’abandonne
Aux traits * d’un courroux sérieux. 15
Comme ils se connaissaient tous deux dès leur bas âge,
Une longue habitude 5 * en paix les maintenait ;
Jamais en vrai combat le jeu ne se tournait,
Quand un Moineau du voisinage
S’en vint les visiter et se fit compagnon 20
Du pétulant Pierrot et du sage Raton.
Entre les deux oiseaux il arriva querelle *,
Et Raton, de prendre parti :
« Cet inconnu, dit-il, nous * la vient donner belle *
D’insulter ainsi notre ami! 25
Le Moineau du voisin viendra manger le nôtre?
Non, de par* tous les chats! » Entrant lors * au combat,
Il croque l’étranger. « Vraiment, dit maître Chat,
Les moineaux ont un goût exquis et délicat ®. »
Cette réflexion fit aussi croquer l’autre 7. 30
Quelle morale puis-je inférer de ce fait?
Sans cela, toute fable est un œuvre * imparfait.
J’en crois voir quelques traits *, mais leur ombre * m’abuse.
Prince, vous les aurez incontinent * trouvés ;
Ce sont des jeux pour vous, et non point pour ma Muse *, 35
Elle et ses sœurs * n’ont pas l’esprit que vous avez.

Exercice complémentaire. — Décrivez l'attitude et les pensées
du « pétulant Pierrot » tandis que son ami Raton mange le moin-au
du voisin, et ce qui s'ensuit.

3. Rimes en -ek, g. — 4. Ces adjectifs sont ceux que la politesse
ecclésiastique applique à certaines personnes, notamment aux cha­
noines. — 5. Ils... Une longue habitude... Accord, 29, a. — 6. Harmonie
imitative, 23, t. — 7. Conclusion brève, 26, g.