Page 465 - Les fables de Lafontaine
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LA CHAUVE-SOURIS, LE BUISSON ET LE CANARD 461
« Eh! Messieurs, laissez-moi mourir! 5
Permettez qu’en forme commune *
La parque * m’expédie *, et finissez vos pleurs. »
Point du tout : les consolateurs,
De ce triste devoir, tout au long, s’acquittèrent ;
Quand il plut à Dieu, s’en allèrent1. 10
Ce ne fut pas sans boire un coup,
C’est-à-dire sans prendre un droit * de pâturage :
Tout * se mit à brouter les bois du voisinage ;
La pitance * du Cerf en déchut * de beaucoup ;
Il ne trouva plus rien à frire *. 15
D’un mal, il tomba dans un pire
Et se vit réduit, à la fin,
A jeûner et mourir de faim.
/
Il en coûte à qui vous réclame *,
Médecins du corps et de l’âme 2 ! 20
O temps! ô mœurs3! j’ai beau crier,
Tout le monde se fait payer.
Exercice complémentaire. — Écrivez une lettre où vous expri
merez votre indignation contre l’avidité des gens qui, en certains
cas, entourent les malades qui ont de la fortune.
7. — LA CHAUVE-SOURIS, LE BUISSON ET LE CANARD
Sources. — Ésope ; Gilbert Cousin ; Haudent ; Meslier ; Bau
douin.
Intérêt. — La donnée de cette fable, cependant traditionnelle,
dépasse peut-être en fantaisie ce que l’imagination peut accepter.
Mais La Fontaine a traité le sujet avec toute la vivacité, tout le
naturel et tout l’esprit possible. On ne saurait mieux peindre les
manœuvres des débiteurs insolvables. On sait qu’au XVIIe siècle
les gens du plus grand monde ne se faisaient pas grand scrupule
1. Omission du sujet, 29, m. — 2. Les médecins de l’âme sont les
confesseurs. — 3. Exclamation latine : Cftempora, o mores! particu
lièrement connue par l’exorde de la ire Catilinaire de Cicéron.