Page 290 - Les fables de Lafontaine
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286 FABLES. — LIVRE SEPTIÈME
Et vêtu d’une robe * hélas! qu’on nomme bière,
Robe d’hiver, robe d’été,
Que les morts ne dépouillent guère 3.
Le pasteur était à côté io
Et récitait, à l’ordinaire *,
Maintes dévotes oraisons,
Et des Psaumes, et des Leçons *,
.
Et des versets, et des répons 4 *
*
Monsieur le Mort, laissez-nous faire! 15
On vous en donnera de toutes les façons :
Il ne s’agit que du salaire!
Messire * Jean Chouart * couvait des yeux son mort,
Comme si l’on eût dû lui ravir ce trésor,
Et, des regards, semblait lui dire : 20
— « Monsieur le Mort, j’aurai, de vous,
Tant en argent et tant en cire,
Et tant en autres menus coûts B. »
Il fondait là-dessus l’achat d’une feuillette *
Du meilleur vin des environs ; 25
Certaine nièce assez propette *
Et sa chambrière *, Pâquette,
Devaient avoir des cotillons *.
Sur cette agréable pensée,
Un heurt survient, adieu le char *! 30
Voilà Messire Jean Chouart
Qui, du choc de son mort, a la tête cassée :
Le paroissien en plomb 8 entraîne son pasteur,
Notre Curé suit son Seigneur 7.
Tous deux s’en vont de compagnie. 35
Proprement *, toute notre vie
Est 8 le Curé Chouart qui sur son mort comptait,
Et la fable du Pot au lait.
Exercice complémentaire. — Traduisez la fable de La Fontaine
en une narration sérieuse et même dramatique.
3. Périphrase en forme d’énigme, 24, d. — 4. Allitération, 23, d.
—- 5. Menus coûts : menus frais. — 6. Le mort, périphrase inspirée
par le fait que les cercueils des riches étaient doublés de plomb. —■
7. La Fontaine se rappelle la qualité de M. de Boufflers. — 8. Est :
ressemble à. Mais le mot implique une identité parfaite.