Page 275 - Les fables de Lafontaine
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LE RAT QUI S’EST RETIRÉ DU MONDE       271
             — Assez, dit-elle ; mais ma peine
      Était de voir les gens plus paresseux qu’ici :
             Us n’ont des troupeaux nul souci.
      Je leur savais bien dire et m’attirais la haine
             De tous ces gens si peu soigneux.       35
      — Eh! Madame, reprit son époux tout à l’heure *,
             Si votre esprit est si hargneux
             Que le monde * qui ne demeure
      Qu’un moment avec vous et ne revient qu’au soir
             Est déjà lassé de vous voir,            40
      Que feront des valets qui, toute la journée,
             Vous verront contre eux déchaînée ?
             Et que pourra faire un époux
      Que vous voulez qui 3 soit jour et, nuit avec vous ?
      Retournez au village, adieu! Si, de ma vie,    45
         Je vous rappelle, et qu’il m’en prenne envie,
      Puissé-je chez les morts avoir, pour mes péchés,
      Deux femmes comme vous sans cessé à mes côtés! »
       Exercice complémentaire. — Récrivez cette fable en mettant
      le personnage principal au féminin (La Mal Mariée) et en faisant
      tous les changements nécessaires.



        3.  — LE RAT QUI S’EST RETIRÉ DU MONDE
       Source. —Inconnue. Le sujet peut être de l’invention de La
      Fontaine.
       Intérêt. — Chef-d’œuvre satirique, dans un ton d’ironie admi­
      rablement soutenu, relevé de traits pittoresques et développant,
      à sa façon, l’antithèse entre la vie contemplative et la vie active.
      C’est moins un récit qu’un portrait, le portrait de l’hypocrite
      dévot, une nouvelle épreuve de Tartuffe, à la façon à la fois fourrée
     et pointue de La Fontaine. On se rappellera que les railleries
     contre les moines étaient de tradition en France, depuis les ori­
     gines et à travers tout le très chrétien moyen âge.

       3. Double conjonctif, 29, i.
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