Page 270 - Les fables de Lafontaine
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266 FABLES. — LIVRE SEPTIÈME
Le Temps *, qui détruit tout, respectant votre appui, 15
Me laissera franchir les ans dans cet ouvrage.
Tout auteur qui voudra vivre encore après lui 7
Doit s’acquérir votre suffrage *.
C’est de vous que mes vers attendent tout leur prix *.
Il n’est beauté, dans nos écrits, 20
Dont vous ne connaissiez * jusques * aux moindres traces.
Eh! qui connaît, que * vous, les beautés et les grâces *?
Paroles et regards, tout est charme dans vous.
Ma Muse, en un sujet si doux,
Voudrait s’étendre * davantage, 25
Mais il faut réserver à d’autres cet emploi *
Et d’un plus grand maître * 8 que moi
Votre louange est le partage *.
Olympe, c’est assez qu’à mon dernier 9 ouvrage
Votre nom serve un jour de rempart et d’abri. 30
Protégez désormais le livre favori
Par qui * j’ose espérer une seconde vie10 *;
Sous vos seuls auspices, ces vers
Seront jugés, malgré l’Envie *,
1 lignes des yeux de l’univers. 35
Je ne mérite pas une faveur si grande :
La Fable, en son nom, la demande.
Vous savez quel crédit * ce mensonge * a sur nous.'
S’il procure à mes vers le bonheur de vous plaire,
Je croirai lui11 devoir un temple * pour salaire * ; 40
Mais je ne veux bâtir de temples que pour vous.
7. Après lui, après sa mort ; c’est-à-dire : tout auteur qui voudra se
survivre (par ses œuvres). — 8. On pense à Louis XIV ; mais La
Fontaine veut seulement dire : d’un plus grand écrivain que moi. —
9. Ce ne fut même pas son dernier recueil de fables ; mais il veut
donner du prix à son présent. — 10. La vie posthume de la gloire.
— 11. Lui renvoie à mensonge, pour la fable.