Page 257 - Les fables de Lafontaine
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LE CHARRETIER EMBOURBÉ            253

       Ce Chien, voyant sa proie en l’eau représentée,
       La quitta pour l’image, et pensa * se noyer ;
       La rivière devint tout d’un coup agitée.
           A toute peine * il regagna les bords,
               Et n’eut ni l’ombre ni le corps *.     10
         Exercice complémentaire. — Citez des exemples de gens qui
       « lâchent la proie pour l’ombre ».          '




                18.  — LE CHARRETIER EMBOURBÉ

         Sources. — Ésope ; Faërne ; Haudent. Rabelais conte aussi
       cette fable, au ch. 21 de son livre IV.
         Intérêt. ’— Cette fable est un tableau réaliste, plein de pit­
       toresque et d’ironie. Cette ironie est soulignée par le contraste
       héroï-comique entre les éléments mythologiques et les réalités
       paysannes, voire bas-bretonnes, d’où le mélange constant, dans
       le vocabulaire, de termes précis et de formules nobles et même
       épiques. La composition est un exemple typique de préparation
       lentement détaillée, s’opposant à une conclusion très brève.

           Le phaéton * d’une voiture à foin1
       Vit son char * embourbé. Le pauvre homme était loin
       De tout humain secours. C’était à la campagne,
       Près d’un certain canton * de la Basse-Bretagne 2
               Appelé Quimper-Corentin.                5
               On sait assez que le destin *
       Adresse * là les gens, quand il veut qu’on enrage.
               Dieu nous préserve du voyage!
       Pour venir au chartier * embourbé dans ces lieux,
       Le voilà qui déteste * et jure de son mieux,   10

         1. Périphrase, 24, d. Un charretier. — 2. La Basse-Bretagne est
       la Bretagne du Finistère. On sait que Quimper, dit Corentin, du nom
       de son premier évêque, est le chef-lieu du département actuel du
       Finistère. Sous Louis XIV, c’était un lieu d’exil, d’où les vers qui
       suivent.
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