Page 255 - Les fables de Lafontaine
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LE CHEVAL ET L’ANE 251
Les injustices des pervers
Servent souvent d’excuse aux nôtres.
Telle est la loi de l’univers :
Si tu veux qu’on t’épargne; épargne aussi les autres.
Un Manant *, au miroir *, prenait des oisillons. 5
Le fantôme * brillant attire une Alouette.
Aussitôt, un Autour *, planant sur les sillons,
Descend des airs, fond et se jette
Sur celle qui chantait, quoique près du tombeau1.
Elle avait évité la perfide machine *, 10
Lorsque, se rencontrant * sous la main * de l’oiseau,
Elle sent son ongle * maligne *.
Pendant qu’à la plumer l’Autour est occupé,
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Lui-même, sous les rets *1 demeure enveloppé *.
— « Oiseleur *, laisse-moi, dit-il en son langage ; 15
Je ne t’ai jamais fait de mal. »
L’Oiseleur repartit : « Ce petit animal
T’en avait-il fait davantage ? 3 »
Exercice complémentaire. — Continuez, sous forme de dialogue,
la discussion entre l’Autour et l’Oiseleur.
16. — LE CHEVAL ET L’ANE
Sources. — Ésope ; Corrozet ; Haudent ; Meslier. La même
fable est citée par Plutarque dans son traité : Règles et préceptes
de santé.
Intérêt. — Fable ésopique, à morale sociale. Le pittoresque
est réduit à l’essentiel, comme le récit lui-même. La lumière
porte surtout sur la situation de l’Ane, dont le portrait et les pro
pos révèlent à la fois la détresse et la discrétion très « civile ». Par
contraste, le Cheval apparaît « peu courtois ai La leçon, toute
sociale, en ressort d’autant mieux.
1. Périphrase et antithèse, 23, g. — 2. Il s’agit des rets tendus
autour du miroir par le Manant, qui est l’oiseleur du vers suivant. —
3. Conclusion brève, 26, g.