Page 256 - Les fables de Lafontaine
P. 256

252          FABLES. — LIVRE SIXIÈME
       En ce monde, il se faut l’un l’autre secourir.
          Si ton voisin vient à mourir,
           C’est sur toi que le fardeau tombe.
       Un Ane accompagnait un Cheval peu courtois,
       Celui-ci ne portant que son simple harnais1,    5
       Et le pauvre baudet si chargé2 qu’il succombe 3.
       Il pria le Cheval de l’aider quelque peu :
       Autrement, il mourrait 4 devant * qu’être à la ville.
       « La prière, dit-il, n’en est pas incivile * :
       Moitié de ce fardeau ne vous sera que jeu. »   10
       Le Cheval refusa, fit une pétarade *,
       Tant * qu’il vit sous le faix * mourir son camarade,
              Et reconnut qu’il avait tort :
              Du baudet, en cette aventure *,
              On lui fit porter la voiture *,         15
              Et la peau B, par-dessus * encor 6.
        Exercice complémentaire. — Faites le portrait du Cheval
       marchant sous une double charge après la mort du baudet.


            17.  — LE CHIEN QUI LACHE SA PROIE
                       POUR L’OMBRE *

        Sources. — Ésope ; Phèdre ; Faërne ; Corrozet ; Haudent.
        Intérêt. — Fable ésopique. La Fontaine développe ironique­
      ment la morale.
              Chacun se trompe ici-bas.
              On voit courir après l’ombre *
              Tant de fous, qu’on n’en sait pas,
              La plupart du temps, le nombre.
      Au chien dont parle Ésope il faut les renvoyer *.   5
        1. Courtois, harnais, rimes en -ouè, 27, g. — 2. Ellipse : (était) si
      chargé. — 3. Succombe, énallage, 23, n. — 4. Style indirect, 29, z.
      — 5. On a dépouillé l’Ane pour vendre sa peau. — 6. Par-dessus
      encor, pléonasme, 24, f.
   251   252   253   254   255   256   257   258   259   260   261