Page 251 - Les fables de Lafontaine
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LE SOLEIL ET LES GRENOUILLES 247
J’attrapais, s’il m’en souvient bien,
Quelque moiceau de chou qui ne me coûtait rien. 15
Mais ici, point d’aubaine * ; ou, si j’en ai quelqu’une,
C’est de coups 3. » Il obtint changement de fortune,
Et, sur l’état * d’un charbonnier,
Il fut couché tout * le dernier.
Autre plainte. « Quoi donc! dit le Sort en colère, 20
Ce baudet-ci m’occupe autant
Que cent monarques pourraient faire!
Croit-il être le seul qui ne soit pas content ?
N’ai-je en l’esprit que son affaire?»
Le Sort avait raison ; tous gens * sont ainsi faits : 25
Notre condition * jamais ne nous contente.
La pire est toujours la présente.
Nous fatiguons le ciel à force de placets *.
Qu’à chacun Jupiter * accorde sa requête,
Nous lui romprons * encor * la tête.
Exercice complémentaire. — Faites le portrait du Grognon,
toujours mécontent de ce qui lui arrive.
12. — LE SOLEIL ET LES GRENOUILLES
Sources. — Gabrias ; Phèdre ; Anonyme.
Intérêt. — Fable satirique, dont La Fontaine se garde d’expri
mer la morale, passablement frondeuse. Le mouvement de la
composition, le ton du style ont beaucoup de vivacité.
Aux noces d’un tyran * tout le peuple en liesse *
Noyait son souci dans les pots L
Ésope, seul, trouvait que les gens étaient sots
De témoigner tant d’allégresse.
3. C'est (une aubaine) de coups.
1. Noyer son souci dans les pots^ expression populaire : oublier ses
soucis en buvant.