Page 250 - Les fables de Lafontaine
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246 FABLES. — LIVRE SIXIÈME
Il partit comme un trait ; mais les élans qu’il fit * 30
Furent vains 7 : la Tortue arriva la première.
— « Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison 8 ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi, l’emporter! et que serait-ce
Si vous portiez une maison? » 35
Exercice complémentaire. — Faites raconter la course par un
oiseau qui en a été témoin.
11. — L’ANE ET SES MAITRES
Sources. — Ésope; Faërne ; Corrozet ; Haudent; Meslier.
Intérêt. — Cette fable vaut surtout par le portrait de l’Ane.
Elle illustre un lieu commun de morale très rebattu : les vœux
(cf. Boileau, Satire VIII ; Horace, Juvénal, etc.). Les épisodes
d.u récit sont assez monotones et dénués d’imprévu, mais ils sont
rehaussés de traits de réalisme pittoresque, qui font apparaître
la vie et le caractère de l’Ane.
L’Ané d’un jardinier se plaignait au Destin *
De ce qu’on le faisait lever devant * l’aurore.
« Les coqs, lui disait-il, ont beau chanter matin,
Je suis plus matineux encore.
Et pourquoi ? pour porter des herbes * au marché. 5
Belle nécessité d’interrompre mon somme! »
Le Sort *, de sa plainte touché,
Lui donne un autre maître, et l’animal de somme1
Passe, du jardinier, aux mains d’un corroyeur2.
La pesanteur des peaux et leur mauvaise odeur 10
Eurent bientôt choqué l’impertinente * bête.
« J’ai regret, disait-il, à mon premier seigneur *.
Encor *, quand il tournait la tête,
7. Rejet, 27, c. — 8. Négation, 29, k.
1. Nous disons : bête de somme. — 2. Les corroyeurs sont les
ouvriers qui préparent les peaux pour en faire du cuir.