Page 11 - Les fables de Lafontaine
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INTRODUCTION                  7

        Première erreur qui ne fut pas sans profit : il avait découvert
      Descartes, saint Augustin, l’Astrée ; il avait lié avec le P. Desmares
      une amitié qui subsista jusqu’à la mort du Père ; par lui, il avait
      pris contact avec les jansénistes et devint ainsi l’ami très peu rigo­
      riste du très austère Liancourt, d’Arnauld d’Andilly et même
      du grand Arnauld ; sans compter le pieux Pellisson, tout un cor­
      tège de dévots personnages vont ainsi lui faire escorte jusqu’à la
      fin ; sa foi religieuse en reçut certainement ce surcroît de fermeté
      qui lui permit de résister aux flottements de sa conduite et de
      porter les fleurs et les fruits d’une sainte mort.
        4 LA TABLE RONDE. VOCATION LITTÉRAIRE
      (1642-1647) Hors de l’Oratoire, La Fontaine, âgé de 21 ans,
      redevient étudiant. Il suit des cours de droit, prend sa licence, se
      pare du titre d’avocat au Parlement de Paris. Il partage son temps
      entre la capitale et Château-Thierry qui n’en est p;is fort éloigné.
        Il mène la joyeuse vie des étudiants et des « basochiens ». Il
      fréquente assidûment Maucroix, son plus intime ami, lequel va
      bientôt se faire chanoine de Reims (1647) dans des vues qui ne
      semblent pas avoir été d’abord fort pieuses. Il fréquente Furetière,
      vieux camarade de collège, Pellisson, Charpentier, Cassandre,
      Maynard, fils du poète-président qui fut, avec Racan, l’un des
      disciples préférés de l’illustre Malherbe. Il fréquente d’Ablancourt,
      Benserade, Conrart, Tallemant des Réaux. Il fréquente même
      Chapelain qui, à cette époque, bien avant Boileau, est un grand
      homme. Bref, il commènce cette vie de relations multiples qui sera
      l’un des traits caractéristiques de sa carrière.
        Entre jeunes gens et quelques autres, ils avaient fondé un cercle
      dénommé « la Tablé Ronde » ; chaque membre était un « palatin »
      et la vie n’y était pas ennuyeuse.
        S’il faut en croire l’abbé d’Olivet, c’est à l’âge de 22 ans, donc
      en 1643, que le jeune palatin La Fontaine eut la révélation de la
      poésie. C’était à Château-Thierry. Il arborait devant les Belles
      dû lied d’éblouissantes bottes blanches, étant alors fort élégant.
      Un officier qui prenait ses quartiers d’hiver dans la ville lut devant
      lui l’Ode de Malherbe : « Que direz-vous, races futures. » La
      Fontaine fut transporté ; il dévora Malherbe ; il y découvrit, en
      compagnie de Maucroix et de Pellisson, autres palatins, « 80 stances
      inimitables ». Le voilà qui, sans désemparer, se jette dans Marot,
      dans Voiture. Et ce furent ses premières amours poétiques. Il
      leur garda toujours un tendre au fond du cœur.
       Il lisait aussi les romans de cette romanesque époque : l’Ariane
      de Desmarets, le Polexandre de Gomberville, vingt autres, les
      romans de l’antiquité, les conteurs et les poètes du xvie siècle
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