Page 105 - Vincent_Delavouet
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mettre l’argent dans sa poche en prétendant que les clients
avaient disparu.
Dans ces conditions, la vie n’était plus tenable, et, ne
voulant pas faire un esclandre en la mettant à la porte, ce
qui aurait ameuté le quartier contre moi, j’employai la ruse.
J’avais acheté en février 1910, nous étions en juin, même
année ; j’allai retrouver mon ancien vendeur, le mis au cou
rant de ma situation difficile et, comme c’était un brave
homme, il ne profita pas de son avantage et sut reconnaître
que son magasin avait pris de l’extension par mes soins.
Aussi m’offrit-il de ]ui-même de le racheter à un prix rai
sonnable, et cette nouvelle opération se passa aussi discrète
ment et aussi rapidement que la première fois.
Mistress Benett ne s’aperçut de la transaction que lors
qu’elle fut régulièrement faite.
Je laisse à penser sa fureur contre moi ! Et cependant
je ne lui devais’rien. Ses appointements lui avaient toujours
été régulièrement payés, et ses « vols » soigneusement cachés.
Mais c’est ainsi que l’on retrouve dans le monde entier,
aussi bien en Amérique qu’en Europe, la logique féminine.
N’ayant pu trouver en moi la poire qu’elle croyait mûre
à cueillir, elle fut persuadée, ou se persuada, qu’elle avait
été trompée... dans ses prévisions,et voulut se venger cruelle
ment de moi.
A cet effet, elle alla me dénoncer à la Police, en affirmant
que la machine toujours emballée et cachée sous mon lit
était pour fabriquer de la fausse monnaie !
Malheureusement pour elle, à la suite de la perquisition
faite à mon domicile, il me fut aisé de démontrer que cette
machine était tout simplement celle achetée à Chicago, pour
affûter les rasoirs !
Si j’avais été aussi méchant que cette maudite femme,
j’avais entre les mains des faux, signés de mon nom par
elle-même, sur des factures dont elle s’était approprié le
montant ; ces faux pouvaient la conduire loin, malgré la
protection de la police.
Je préférai n’en point parler, quittai mon épicerie avec
regret, la Benett avec une satisfaction intense, en l’en
voyant se faire pendre à tous les diables.