Page 102 - Vincent_Delavouet
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laient sans doute l’erreur judiciaire dont j’avais été victime,,
puisque je pus constater combien l’accueil qui me fut fait
• était froid.
La maison paternelle était en ruines et l’on avait
enlevé une partie du mobilier, puisque je trouvai l’intérieur
presque vide. Ce fut pour moi un grand chagrin de constater
que les gens du pays n’avaient même pas respecté le sou
venir de mon père.
Bien mieux, parmi les quelques objets oubliés dans le-
pillage, je reconnus dans un coin un berceau qui nous avait
servis lorsque nous étions tout petits enfants. Je me pro
posai de l’emporter comme souvenir.
Revenu trois* jours après pour le chercher, je constatai
avec angoisse qu’il avait également disparu !
L’enquête que je fis pour île retrouver ne donna, biert
entendu, aucun résultat; je trouvai les lèvres cousues.
Décidément je sentais une hostilité sourde et croissante
contre moi! Sur cesentrefaites, un boulanger des environs,
m’offrit d’acheter les boiseries de la maison paternelle pour
120 francs. Mais Je* préférai alors donner ces ruines à un dé
niés proches !
Les cinquante jours que je restai à Lullin furent pour
moi un long supplice ; je ne me souvenais pas, même dans
les débuts de mon colportage, avoir été aussi déprimé.
Ce fut pourquoi je quittai le pays sans regret. Puis je
remontai sur Paris, de là au Havre, où je me rembarquai
avec satisfaction pour les Etats-Unis.
En résumé, j’avais trouvé meilleur accueil sur une terre
inconnue qu’auprès de mes compatriotes ! Je me rendis-
alors à Chicago, point de départ seize ans plus tôt, d’une
petite fortune inespérée, puisque les 11 fr. 75 que j’avais
exposés m’avaient produit près de 300.000 francs, bien à
moi, non sans peine, il est vrai, et qu’en outre je parlais
alors l’anglais couramment et connaissais à fond les ressour
ces *et la topographie de tou.s ces pays, aussi bien des Etats-
Unis que du Canada.