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INDUSTRIE DU SEL.                                611


            tion continue d'eau salée. La concentration   lins du Portugal et surtout dans celles de
            de l’eau augmente graduellement, et le de­  Sétubal qu’il rend des services extraordi­
            gré de concentration est à peu près constant   naires. Nous croyons qu’on lira avec intérêt
           sur le même point du marais.               la description de ce curieux système qui est
              La nuit, les communications entre les   donnée par M. Matrot, dans le Rapport
           différentes pièces du marais sont interrom­  technique qui nous sert de guide pour la
           pues, à cause de l’absence d’évaporation.   description des procédés de fabrication du
           On ferme les vannes, de deux en deux ou    sel dans les marais salants du Midi.
           de trois en trois.
                                                       «Voici comment se fait, au salin deBerre,dit M. Ma­
             Vers la fin de mai, il faut s’occuper de   trot, la culture du feutre. Supposons qu’il s’agisse de
           préparer les tables salantes, car, à cette épo­  garnir de feutre le fond d’une table qui en soit actuel­
           que ou au commencement de juin, les pre­   lement dépourvu. On emploiera naturellement à la
                                                      production du feutre les premiers mois de la cam­
           mières eaux introduites sont déjà assez con­
                                                      pagne, de février ou mars à juin. On garnit la table
           centrées pour pouvoir être admises dans ces   d’eau naturelle de l’étang de Berre, c’est-ù-dire d’eau
           derniers compartiments.                    à 1°,i>, puis on la laisse se concentrer par évaporation
                                                      jusqu’à 8 degrés. Le feutre commence à pousser, et
             La préparation des tables salantes est dé­
                                                      ses fibres, en s’entrelaçant, revêtent le fond delà table
           licate et essentielle. Si elle est mal faite,   d’un tapis très-mince. Les eaux arrivées à 8 dégrés
           les cristaux de sel adhèrent au sol, qui se   sont évacuées sur un partènement qui contient déjà
           boursoufle, de sorte qu’au ihoment de la   des eaux à peu près de même degré. On laisse sécher
                                                      un peu la première couche de feutre formée, puis
           récolte on ne peut les enlever purs de tout   on garnit de nouveau la table d’eau à 0,5 qu’on
           mélange terreux.                           laisse encore s’évaporer jusqu’à 8 degrés. On obtient
             La préparation des tables salantes consiste,   ainsi une deuxième couche de feutre, et ainsi de
                                                      suite. Après avoir laissé se superposer plusieurs cou­
           en général, à niveler grossièrement le sol, à
                                                      ches, on vide complètement la table, on la laisse sé­
           y promener ensuite, pendant une quinzaine   cher, en évitant le plus possible qu’un dessèchement
           de jours, des eaux faiblement concentrées,   trop rapide ne fasse fendiller le feutre, on aplanit ce
           et enfin, après avoir fait écouler ces eaux, à   dernier en passant dessus un rouleau de pierre,
                                                      puis enfin on termine par un battage à la pelle. On
           comprimer le sol, et à le rendre uni au    emploie pour ce dernier travail les pelles plates en
           moyen d’un rouleau de pierre.              bois qui servent au levage du sel. L’action du rouleau
             Depuis quelques années, on a inventé un   et de la pelle rabat bien complètement toutes les
                                                      fibres du feutre qui, en s’entrelaçant, en se feutrant,
           revêtement végétal, pour servir de fond aux
                                                      forment sur le sol un revêtement parfaitement
           tables salantes. On appelle [entre une végé­  continu.
           tation que l’on développe artificiellement   « On garnit de nouveau la table d’eau à 1°,5 pour
                                                      provoquer la formation de nouvelles couches de feu­
           sur le fond argileux des tables salantes, !
                                                      tre; après avoir obtenu quelques couches nouvelles,
           sous l’influence d’eaux douces, et qui a l’a- '   on fait de nouveau passer le rouleau et la pelle. Le
           vantage de donner au sol de l’imperméabi­  passage du rouleau et le battage à la pelle doivent
                                                      être répétés, autant que possible, trois ou quatre fois.
            lité. Ce tapis végétal a un second avantage :
                                                      Dans les conditions ordinaires, on peut obtenir, dès
           il permet de recueillir le sel exempt de I
                                                      la première année, une couche de feutre de 0",002 d’é­
            tout mélange de terre. Mais la conserva­  paisseur.
            tion de ce feutre demande beaucoup de       « Quand on laisse sécher la table avant le passage
                                                      du rouleau, il importe d’éviter tout fendillement. On
            soins. Sans cela il se pourrit, et ses résidus
                                                      y parvient de la manière suivante. Après avoir
            forment des éminences qui se mêlent au sel   évacué les eaux à 8 degrés, on laisse seulement se
            et le rendent impur.                      raffermir le sol, puis on introduit sur la table de
                                                      l’eau à 18 degrés qui est absorbée par le feutre et le
              Le feutre, qui est d’invention toute fran­
                                                      rend plus hygrométrique. Le feulre sèche alors beau­
            çaise, n’est pourtant pas en grande faveur   coup plus lentement, reste beaucoup plus souple et
            dans les salines du Midi. C’est dans les sa­  a beaucoup moins de tendances à se fendiller. On a
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