Page 615 - Les merveilles de l'industrie T1
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INDUSTRIE DU SEL. 611
tion continue d'eau salée. La concentration lins du Portugal et surtout dans celles de
de l’eau augmente graduellement, et le de Sétubal qu’il rend des services extraordi
gré de concentration est à peu près constant naires. Nous croyons qu’on lira avec intérêt
sur le même point du marais. la description de ce curieux système qui est
La nuit, les communications entre les donnée par M. Matrot, dans le Rapport
différentes pièces du marais sont interrom technique qui nous sert de guide pour la
pues, à cause de l’absence d’évaporation. description des procédés de fabrication du
On ferme les vannes, de deux en deux ou sel dans les marais salants du Midi.
de trois en trois.
«Voici comment se fait, au salin deBerre,dit M. Ma
Vers la fin de mai, il faut s’occuper de trot, la culture du feutre. Supposons qu’il s’agisse de
préparer les tables salantes, car, à cette épo garnir de feutre le fond d’une table qui en soit actuel
que ou au commencement de juin, les pre lement dépourvu. On emploiera naturellement à la
production du feutre les premiers mois de la cam
mières eaux introduites sont déjà assez con
pagne, de février ou mars à juin. On garnit la table
centrées pour pouvoir être admises dans ces d’eau naturelle de l’étang de Berre, c’est-ù-dire d’eau
derniers compartiments. à 1°,i>, puis on la laisse se concentrer par évaporation
jusqu’à 8 degrés. Le feutre commence à pousser, et
La préparation des tables salantes est dé
ses fibres, en s’entrelaçant, revêtent le fond delà table
licate et essentielle. Si elle est mal faite, d’un tapis très-mince. Les eaux arrivées à 8 dégrés
les cristaux de sel adhèrent au sol, qui se sont évacuées sur un partènement qui contient déjà
boursoufle, de sorte qu’au ihoment de la des eaux à peu près de même degré. On laisse sécher
un peu la première couche de feutre formée, puis
récolte on ne peut les enlever purs de tout on garnit de nouveau la table d’eau à 0,5 qu’on
mélange terreux. laisse encore s’évaporer jusqu’à 8 degrés. On obtient
La préparation des tables salantes consiste, ainsi une deuxième couche de feutre, et ainsi de
suite. Après avoir laissé se superposer plusieurs cou
en général, à niveler grossièrement le sol, à
ches, on vide complètement la table, on la laisse sé
y promener ensuite, pendant une quinzaine cher, en évitant le plus possible qu’un dessèchement
de jours, des eaux faiblement concentrées, trop rapide ne fasse fendiller le feutre, on aplanit ce
et enfin, après avoir fait écouler ces eaux, à dernier en passant dessus un rouleau de pierre,
puis enfin on termine par un battage à la pelle. On
comprimer le sol, et à le rendre uni au emploie pour ce dernier travail les pelles plates en
moyen d’un rouleau de pierre. bois qui servent au levage du sel. L’action du rouleau
Depuis quelques années, on a inventé un et de la pelle rabat bien complètement toutes les
fibres du feutre qui, en s’entrelaçant, en se feutrant,
revêtement végétal, pour servir de fond aux
forment sur le sol un revêtement parfaitement
tables salantes. On appelle [entre une végé continu.
tation que l’on développe artificiellement « On garnit de nouveau la table d’eau à 1°,5 pour
provoquer la formation de nouvelles couches de feu
sur le fond argileux des tables salantes, !
tre; après avoir obtenu quelques couches nouvelles,
sous l’influence d’eaux douces, et qui a l’a- ' on fait de nouveau passer le rouleau et la pelle. Le
vantage de donner au sol de l’imperméabi passage du rouleau et le battage à la pelle doivent
être répétés, autant que possible, trois ou quatre fois.
lité. Ce tapis végétal a un second avantage :
Dans les conditions ordinaires, on peut obtenir, dès
il permet de recueillir le sel exempt de I
la première année, une couche de feutre de 0",002 d’é
tout mélange de terre. Mais la conserva paisseur.
tion de ce feutre demande beaucoup de « Quand on laisse sécher la table avant le passage
du rouleau, il importe d’éviter tout fendillement. On
soins. Sans cela il se pourrit, et ses résidus
y parvient de la manière suivante. Après avoir
forment des éminences qui se mêlent au sel évacué les eaux à 8 degrés, on laisse seulement se
et le rendent impur. raffermir le sol, puis on introduit sur la table de
l’eau à 18 degrés qui est absorbée par le feutre et le
Le feutre, qui est d’invention toute fran
rend plus hygrométrique. Le feulre sèche alors beau
çaise, n’est pourtant pas en grande faveur coup plus lentement, reste beaucoup plus souple et
dans les salines du Midi. C’est dans les sa a beaucoup moins de tendances à se fendiller. On a