Page 608 - Les merveilles de l'industrie T1
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604                    MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                   Prix de 10 mètres cubes de sablon recueilli à  I sorte que l’Etat, ou plutôt le fermier de
                    la main..................................  2  0  l’Etat, percevait environ la moitié de la va­
                   Loyer de la saline par jour........   0  50
                  Combustible, bois ou charbon... 5  20  leur du sel; l’autre moitié restait au fabri­
                  Salaire de trois personnes...........    3  30  cant.
                  Pertes sur les chaudières.............   0  20  On désigne, sous le nom de pays de quart
                  Entretien des paniers et autres
                    ustensiles.............................. 0  20  bouillon, la partie de la basse Normandie
                            Total......................... Il  40  dont les habitants étaient obligés de faire
                                                        usage du sel fabriqué dans cette province.
                 Le bénéfice serait donc de 2 fr. 10 par   Avant 1768, les salines de l’Avranchin
              jour, qui, multiplié par 80, nombre de    étaient peu productives ; mais, dans le cours
              jours pendant lesquels le saunier peut fa­  de cette année, parut une déclaration du
              briquer, donnerait à ce dernier un béné­  roi qui affranchissait les fabricants de la
              fice de 168 francs (1). C’est un gain qui n’est   plus grande partie de leurs charges. Une
              pas indifférent pour les habitants de la côte,   fabrique rapporta alors, chaque année, envi­
              les véritables indigents de la contrée.    ron 600 francs.
                On voit, en résumé, que l’extraction du    Cet état de choses disparut en 1790. A
              sel des sables imprégnés d’eau de mer est   cette époque les droits sur les sels ayant
              bien peu rémunératrice. Aussi est-elle à peu   été abolis partout, les fabriques de sel de
              près abandonnée aujourd’hui : c’est le der­  l’arrondissement d’Avranches perdirent
              nier vestige d’une très-ancienne industrie.  une partie de l’importance qu’elles avaient
                                                         auparavant.
                L’origine des salines de l’arrondissement   Dans notre siècle, les sels des marais de
              d’Avranches se perd, en effet, dans la nuit   l’Ouest et du Midi, qui, autrefois, ne péné-
              des temps. Un chanoine de l’église cathé­  I traient que difficilement dans la basse Nor­
              drale d’Avranches n’avait pour revenu de   mandie, parurent sur les marchés de cette
              son canonicat que des rentes en sel : cette   I région. La mer étant devenue libre, et les
              église avait été construite en 1121.       frais de transport ayant subi une diminution
                 Un arrêt du conseil du roi de l’année   considérable, enfin la fabrication étant beau­
               1546, relatif au pays de quart bouillon, et   coup moins dispendieuse pour les marais sa­
              diverses ordonnances des années 1680 et    lants de l'Ouest et du Midi que pour les
               1694, avaient réglé le régime auquel les   salines de l’Avranchin, ces dernières usines
              salines étaient assujetties. Sous ce régime,   i se trouvèrent hors d’état de soutenir la con­
              le fabricant n’aurait dû régulièrement     currence.
               payer que le quart de la valeur du sel, telle   Aujourd’hui les nombreuses salines, qui
              qu’elle était fixée par des syndics nommés   | existaient autrefois dans la basse Norman­
               par les fabricants ; c’est . pour ce motif   die, ont disparu, et l’exploitation du sablon
               que l’impôt était nommé impôt de quart    n’est plus qu’une précaire et triste ressource
               bouillon. Mais, peu à peu, diverses taxes   । des indigents de la contrée.
               furent ajoutées à la taxe primitive, en

                (1) Nous empruntons ces chiffres et les éléments de
               cette description des salines d’Avranches, à YEnquéte
               législative exécutée en 1850 par l’ordre de l’Assem-
               blée nationale, et publiée en 1851 par la commission
               nommée par l’Assemblée.- Cette commission était
               présidée par M. Bixio (M. Favreau rapporteur), pages
               298-302.
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