Page 539 - Les merveilles de l'industrie T1

INDUSTRIE DU SEL. 535

des marais salants qui ne devaient pas beau­ avoir la clef du passage suivant de l’Histoire
coup différer de ceux de nos jours. On ju­ naturelle de Pline, qu’il nous paraît utile
geait quelquefois nécessaire de joindre de de citer textuellement.
l’eau douce à l’eau salée. La rapidité de l’éva­
« 11 y a, dit Pline, trois différentes espèces de sels.
poration dans les climats chauds, permettait Dans la Bactriane sont deux grands lacs, l’un du côté
ce mélange d’eau douce à l’eau de mer. de la Scythie, l’autre du côté de l’Asie, qui sont pleins
de sel. Auprès de Citium, dans l’île de Chypre, et
Dans la Germanie, dans les Gaules et dans
dans les environs de Memphis, on tire d’un lac le
beaucoup de parties de l’empire romain, on sel qu’on fait sécher au soleil. Ailleurs la surface des
retirait du sel des sources salées, comme fleuves se condense en sel, tandis que le reste de
l’eau coule sous cette croûte, comme sous la glace;
on le fait aujourd’hui. Dans la Chaonie, en
telles sont, près des portes Caspiennes, les eaux nom­
Epire (contrée de la Grèce septentrionale), mées rivières de sel. On voit la même chose chez les
on recueillait le sel en évaporant l’eau d’une Mardes et les Arméniens. De plus, dans la Bactriane,
source salée. les fleuves Ochus et Oxus charrient beaucoup de sel
des montagnes situées sur leurs bords. Il y a en
En Cappadoce (région de l’Asie Mineure),
Afrique des lacs troubles qui donnent du sel. 11 y a
à Agrigente (en Sicile), à Pagases, en Thes- même des sources chaudes qui en donnent, comme
salie (contrée de la Péninsule hellénique), à Pagases. Voilà les espèces de sel qui proviennent
spontanément des eaux.
on retirait de la terre le sel gemme, comme
Certaines montagnes produisent aussi du sel natif,
on le fait aujourd’hui. Aux Indes, dans comme, dans les Indes, l’Oroménus, où le sel se taille
la montagne Oromenus, on taillait le sel comme des pierres dans une carrière ; il se reproduit
à mesure, et c’est pour les souverains la source d’un
en blocs , comme on taille les pierres
revenu plus considérable que l’or et les perles. On
pour les retirer d’une carrière, et il exis­ en tire encore de la terre, où il se forme, cela est
tait, en ce pays, des monuments, des mai­ évident, par la condensation du liquide ; exemple : la
sons bâties avec des pierres de sel taillé. Cappadoce. Là on le coupe par lames comme la
pierre spéculaire ; les blocs sont très-pesants; on les
En Egypte et en Arabie, on trouvait du
appelle communément mica. A Gerrhes, ville d’A­
sel gemme mélangé au sable. On avait rabie, les remparts et les maisons sont construits
remarqué qu’en certains points de l’Afri­ avec des blocs de sels que l’on cimente en les mouil­
lant. Le roi Ptolémée trouva le sel auprès de Péluse,
que, le sel apparaissait souvent dans l’in- j
dans un campement qu’il y fit.
tervalle d’une seule nuit, ce qui provenait D’après cet exemple, on en a recherché et trouvé
d’une évaporation très-rapide de l’eau dans entre l’Égypte et l’Arabie, dans les lieux arides,
ce climat brûlant. Les Romains disaient au-dessous du sable. On en rencontre également
dans les déserts de l’Afrique, jusqu’à l’oracle d’Am-
alors que la lune avait fait naître le sel. mon ; là le sel croit pendant la nuit avec la
Les sources salées étaient exploitées, chez lune. Quant à la Cyrénaïque, elle est célèbre par le
les anciens, pour la production du sel, sel ammoniac appelé ainsi parce qu’on le trouve
sous le sable (âj>p.o;, sable); il a la couleur de l’alun
comme elles le sont de nos jours. Il y avait schiste, il est en longues aiguilles non très-brillantes,
dans la Bactriane (province de l’Asie, voi­ d’un goût désagréable, mais utile en médecine. On
sine de la Perse) deux sources salées dont estime surtout celui qui est transparent, et dont les
scissures sont en ligne droite. On rapporte sur ce sel
les eaux servaient à cet usage. L’un de ces
un phénomène remarquable : très-léger dans l’en­
lacs salés était situé du côté de l’Asie, l’au­ droit où il se forme, il augmente en poids, dès qu’il
tre du côté de la Scythie. Des lacs salés est exposé au grand jour, d’une manière' à peine
croyable. La cause en est évidente : la vapeur hu­
existaient également dans les environs de
mide des excavations facilite, comme le ferait de
Memphis, en Egypte, et dans l’île de Chypre. l’eau, l’enlèvement de ce sel. On le sophistique avec
Les Égyptiens et les anciens Cypriotes re­ le sel de Sicile, que nous avons appelé Cocanicus,
tiraient le sel par l’évaporation spontanée et avec celui de Chypre, qui lui ressemble beaucoup.
Dans l’Espagne citérieure, à Egélaste, on extrait un
des eaux de ces lacs salés.
sel à blocs presque transparents et auquel, depuis
Avec ces explications préliminaires, on va longtemps, la plupart des médecins donnent la pré­