Page 542 - Les merveilles de l'industrie T1
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538                    MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                     cation. On l'employait, non-seulement pour   Mis dans des sacs et fréquemment humecté avec de
                     les maladies, où il doit en effet rendre des   l’eau chaude, il soulage les douleurs nerveuses, sur­
                                                               tout aux épaules et aux reins. A l’intérieur et à
                     services, d’après ce que nous savons aujour­
                                                               l’extérieur, employé chaud dans ces mêmes sacs, il
                     d'hui, mais dans une foule d’autres affections.  guérit les coliques, les tranchées et les douleurs des
                                                               hanches; broyé avec de la farine dans du miel et de
                       « Le sel, dit Pline, est, pour le corps vivant, as­  l’huile, il guérit la goutte. C’est surtout dans cette
                     tringent, siccatif et resserrant. 11 préserve même les   maladie qu’il faut mettre à profit la remarque d’a­
                     cadavres de la putréfaction, les faisant ainsi durer   près laquelle, pour le corps entier, rien n’est plus
                     pendant des siècles. En fait de propriétés médicales,   utile que le sel et le soleil ; aussi voyons-nous que
                     il est piquant, échauffant, détersif, atténuant, réso­  les pêcheurs ont le corps dur comme la corne;
                     lutif; seulement il est mauvais à l’estomac, si ce   mais cette remarque ne pouvait être mieux placée
                     n’est pour exciter l’appétit. On l’emploie contre les   qu’à propos de la goutte. Le sel enlève les cors aux
                     morsures des serpents, avec l’origan, le miel et   pieds et les engelures. Pour les brûlures on l’em­
                     l’hysope ; contre le céraste, avec l’origan, ou la poix   ploie en topique ou on le fait manger, et il empêche
                     de cèdre, ou la poix ordinaire, ou le miel. Il est bon   le développement des ampoules. Pour les érysipèles
                     contre les scolopendres, à l’intérieur, dans du vi­  et les ulcères serpigineux on s’en sert avec le vi­
                     naigre; contre les piqûres des scorpions, à l’exté­  naigre ou l’hysope ; pour les carcinomes, avec l’uva
                     rieur, dans de l’huile ou du vinaigre, avec un quart   aminia ; pour les ulcères phagédéniques, grillé
                     de graine de lin ; contre les frelons et les guêpes, et   avec la farine d’orge ; on applique par-dessus un
                     autres insectes semblables, dans du vinaigre; contre   linge trempé dans du vin. Chez les ictériques on en
                     les migraines, les ulcères de la tête, les pustules ou   fait des frictions, avec de l’huile et du vinaigre, à
                     papules, et les verrues commençantes de cette par­  côté du feu, jusqu’à ce qu’ils suent, pour les déli­
                     tie, avec du suif de veau. On s’en sert pour les ma­  vrer des démangeaisons qu’ils ressentent. On frotte
                     ladies des yeux, pour réprimer les excroissances qui   les personnes lasses avec du sel et de l’huile, beau­
                     se font sur ces organes et les végétations qui se for­  coup ont traité les hydropiques avec le sel, ont fait
                     ment sur tout le corps, mais spécialement les végé­  des onctions avec le sel et l’huile dans les ardeurs de
                     tations des yeux; aussi le fait-on entrer dans les   la fièvre, et ont dissipé les toux invétérées en en
                     collyres et les emplâtres. Pour ces usages on recher­  mettant sur la langue. On l’a employé en lavement
                     che surtout le sel de Tatta ou de Caunus. Pour les   dans les coxalgies ; on en a fait un topique pour les
                     ecchymoses des yeux, suite de coups, on emploie le   ulcères fongueux ou putrides. On l’applique sur les
                     sel avec quantité égale de myrrhe et de miel, ou   morsures des crocodiles, avec du vinaigre, dans des
                     avec de l’hysope dans de l’eau chaude, et on fo­  linges, de manière à engourdir préalablement la
                     mente la partie avec le salsugo. Pour cela on pré­  plaie. On le donne à l’intérieur, dans du vinaigre
                     fère le sel d’Espagne; et pour la cataracte on le   miellé, contre l’opium. Avec de la farine et du
                     brise avec du lait sur de petites pierres. On l’ap­  miel on l’applique sur les luxations et sur les ex­
                     plique en particulier sur les contusions, enveloppé   croissances de chair. Dans le mal de dents on en
                     dans un petit linge; on renouvelle fréquemment   fait un collutoire avec le vinaigre, ou l’on frotte la
                     cette application, qu’on fait avec de l’eau chaude.   dent douloureuse avec du sel et de la résine. Pour
                     On le met dans de la charpie sur les ulcères de la   tous ces usages l’écume de sel est plus agréable et
                     bouche qui jettent; on en frotte les gencives tumé­  plus efficace. Mais toute espèce de sel est bonne dans
                     fiées. Égrugé bien fin, il dissipe les granulations de   les médicaments acopes (délassants), quand il s’agit
                     la langue. On dit que les dents ne se carient ni ne   d’échauffer, et dans les médicaments détersifs,
                     se gâtent si tous les matins, à jeun, on tient du sel   quand il s’agit d’atténuer et de rendre plus lisse la
                     sous la langue jusqu’à ce qu’il soit fondu. 11 guérit   peau. En topique, le sel guérit la gale des moutons
                     les lèpres, les furoncles, le lichen, les affections   et des bœufs : on le leur donne à lécher. On le jette
                     psoriques, avec du raisin sec, dont on a ôté les pé­  avec la salive dans les yeux des bêtes de somme.
                     pins, du suif de bœuf, de l’origan, du levain ou du   Voilà ce que nous avons à dire sur le sel (1); »
                     pain. Pour cela on se sert surtout du sel de Thèbes,
                     que l’on choisit aussi pour les démangeaisons. Ce sel   Ainsi les marais salants ont existé chez
                     est bon encore avec du miel pour les amygdales et   les Romains, chez les Grecs et les Egyptiens,
                     la luette. Tout sel est bon pour l’angine ; mais, de
                                                               dans la Germanie et les Gaules, c’est-à-dire
                     plus, il faut en même temps faire des frictions sur
                     les parties extérieures, avec de l’huile, du vinaigre   dans la plus grande partie de l’Europe ;
                     et de la poix liquide. Le sel mêlé à du vin purge   mais on ne saurait dire au juste comment
                     sans faire de mal. Bu dans du vin, il chasse les vers   opéraient les sauniers de l’antiquité pour
                     intestinaux. Tenu sous la langue, il permet aux
                     couvalescents de supporter la chaleur des bains.  (1) Ibid., pages 364-365.
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