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534 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
la fabrication dans l’antiquité, puisque chez exposé pendant quelques mois à l’action
les anciens les cendres des plantes terrestres des rayons solaires, l’eau s’évaporera, et fi
et marines étaient lessivées par l’eau, pour nira par laisser un sel blanc et sapide. Le
servir aux usages du blanchiment. premier homme qui ramassa dans l’anfrac
L’industrie du sel marin, qui va mainte tuosité du rivage, ou sur le fond desséché
nant nous occuper, ne fera pas exception de l’étang formé par le retrait de la mer,
à cette règle. des cristaux de sel, et qui s’en servit pour
Pour savoir en quoi consistait l’industrie relever le goût de ses grossiers aliments,
du sel chez les anciens, il faut s’adresser à celui-là fut le premier saunier, celui-là fut
Pline. Le titre de l’ouvrage du célèbre écri l’inventeur des marais salants !
vain latin, Histoire naturelle (Historia natu Cela revient à dire que l’industrie du sel,
ralisé ne donne pas une idée exacte de son comme celle du tissage, comme celle des
contenu. Cet ouvrage n’est point, comme on poteries, comme celle de l’extraction des
se l’imagine généralement, un traité d’his métaux, remonte nécessairement aux temps
toire naturelle, tel que nous le comprenons les plus anciens de la civilisation. Ce serait
aujourd’hui, tel que l’ont écrit Buffon et donc une vaine entreprise que de chercher
Lacépède, c’est-à-dire traitant particulière en quel temps et chez quel peuple du
ment des minéraux, des plantes et des ani monde cette industrie a pris naissance.
maux. L’Histoire naturelle de Pline est une Tout ce que l’on peut faire, c’est d’inter
véritable encyclopédie industrielle ; c’est roger les écrits des anciens, pour recher
l’exposé des connaissances que possédaient cher les premiers témoignages écrits qui se
les anciens dans toutes sortes d’arts, d’in rapportent à ces opérations.
dustries et même de métiers. Ce recueil est 11 fallait que l’emploi du sel remontât
le plus précieux que l’antiquité nous ait bien haut chez les Romains, puisque Pline
légué pour la connaissance des usages pra nous apprend qu’il existait à Rome une
tiques de l’ancienne société romaine, et route qui s’appelait Via salaria {route salée),
s’il n’existait pas, une foule d’expressions parce que les Sabins (peuple qui remonte
techniques que l’on trouve dans les au aux premiers temps de Rome) faisaient ve
teurs latins, n’auraient jamais pu être nir leur sel par cette route.
comprises ; un mystère profond cacherait Un des premiers rois de Rome, Ancus
pour nous le côté industriel des peuples Marcius, fit au peuple une largesse de six
latins. mille boisseaux de sel. D’après un auteur
Interrogeons, en conséquence, l’encyclo latin, ce même roi Ancus Marcius se serait
pédie de Pline. Elle va nous dire ce que fut emparé, pour les exploiter pour son propre
l’industrie du sel chez les anciens. compte, de tous les marais salants qui exis
Le raisonnement seul, à défaut du texte taient alors en Italie.
d’aucun auteur, nous dirait que la fabrica Pline entre dans beaucoup de détails sur
tion du sel a dû être l’une des premières les lieux d’où les Romains tiraient le sel,
des inventions réalisées pour le bien-être et sur les propriétés du sel selon les pays
de l’homme. Que le vent vienne à chasser qui le fournissaient.
un peu d’eau de mer dans une anfractuo Presque tous les peuples de l’antiquité
sité du rivage, le soleil boira bientôt le li ont eu des marais salants. Dans Pile de
quide, et en quelques jours apparaîtra un Crète, sur la côte de l’Afrique et sur plu
résidu salin. Qu’un petit étang en minia sieurs points du littoral de l’Italie et de
ture, formé par le reflux de la mer, reste l’ibérie (Espagne), on produisait du sel, dans