Page 157 - Bouvet Jacques
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l'âge de douze ans, étant allée à confesse auprès
de son vénéré pasteur, elle s'accusait, avec un f
reste de complaisance, d'avoir pris bien du plaisir
à se regarder au miroir, d'avoir été contente d'elle-
même et de s'être trouvée jolie. Après quoi, elle
s'arrêta tout court, attendant peut-être moins sa
pénitence qu'une marque d'assentiment. Sans
donner à cette faute les proportions d'un crime,
le confesseur se contenta d'humilier cette jeune
pénitente, en lui disant en patois : oh I l'as vu na
balla pice. Elle avouait, à la louange de M. Bouvet,
que ces deux mots de compassion légèrement rail-
leuse avaient mieux rabattu sa vanité naissante~
que ne l'auraient fait les plus belles remontrances.
Jamais il ne brusquait, et il est rare que, au
milieu des populations mobiles et impressionna-
bles où il a vécu, il ne fit pas son entrée dans les
âmes par la porte du cœur.
Cependant, il n'excellait pas moins à parler à
la raison ; ses exposés de motifs étaient si nets, si
saisissants de vérité, qu'ils réduisaient d'ordi-
naire les esprits les plus prévenus ou les plus
rebelles. Mais ce qui lui assurait le plus d'empire
sur les âmes, c'était l'autorité de ses vertus et
surtout les chaleureuses expansions de sa charité.
S'il était rebuté, il savait temporiser et prier; il
choisissait ensuite ses moments, dressait ses
pieuses batteries et revenait à l'assaut par quelque
côté nouveau.
Un homme de loi de sa paroisse, lequel avait
joué un rôle considérable dans les évènements de
la Révolution, et qui depuis de longues années
avait abandonné toutes pratiques religieuses,