Page 161 - Bouvet Jacques
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                  leur  témoignait  de  la  confiance  et  de  l'intérêt,
                  les  encourageait,  les  plaisantait  doucement.  M.
                  Jacques  Dubouchet,  un  des  vicaires  les  plus  dis-
                  tingués  qu'il  ait  eus,  avait  pour  patron  saint
                  Jacques  le  Majeur,  comme  M.  Bouvet,  et  faisait
                  sa  fête  ce  jour-là,  le  bon  curé  lui  dit  :  « Croyez-
                  {(  moi,  cher  abbé,  prenons  chacun  un  saint  Jac-
                  « ques ; nous en serions mieux ; ça  nous fera  deux
                  <<  fêtes.  -  Très bien,  choisissez,  Monsieur le  curé.
                  « -   Eh  bien l  laissez-moi  saint  Jacques  le  Ma-
                  «  jeur;  vous  y  êtes  intéressé  :  c'est  celui  qui
                  «  tient la gourde. »
                     A  une  époque différente,  un  autre vicaire,  fraî-
                  chement éclos  du séminaire et plus tard excellent
                  curé,  crut  reconnaître  que,  sur  certains  points,
                  la morale de M.  Bouvet était relâchée,  et, ce qu'il
                   y  eut de  plus regrettable,  c'est que du  haut de  la
                  chaire,  un  jour de  dimanche,  en  présence  du  bon
                   curé  qui  était  célébrant,  il  donna  carrière  à  son
                  appréciation et prévint les fidèles contre les mora-
                   listes  relâchés,  qui  avaient  charge  de  sauver  les
                   âmes  et  qui  les  perdaient.  Cette  censure  amère,
                   cette sorte de  dénonciation  publique fut comprise
                   des  auditeurs,  qui  ne  se  contenaient  qu'avec
                   peine;  l'autre  vicaire  trépignait  d'impatience;
                   Monsieur  le  curé  était impassible  sur  son  siège.
                     A midi, le curé fut plus aimable qu'à l'ordinaire;
                   il  voulut que sa  table prit un air de fête.  Au des-
                   sert,  il  se  tourne  avec  bonté  vers  cet abbé  :  « A
                   «  ta  santé,  mon  poure !  (1)  lui  dit-il  en  patois ;


                     (1) Terme afiectueux et emportant une idée de  compas-
                   sion.
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