Page 150 - Bouvet Jacques
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de M. Bouvet. Cette vertu, qui s'harmonisait en
lui avec la bonté native de son cœur, était comme
le trait dominant de cette âme généreuse. Comme
saint Paul, il pouvait dire : Qui sou/Ire, que je ne
souffre avec lui ? Aumônes, bons offices, complai-
sance, dévouement, sacrifices, c'était son exer-
cice de chaque instant. Sa charité prenait toutes
les formes, empruntait toutes les industries ; il
aurait mieux aimé être exploité par une infor-
tune feinte ou exagérée que de rester sans conso-
lation pour un besoin véritable. Après un demi-
siècle, les traits sans nombre de sa charité ne sont
pas oubliés à Annecy.
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Dans la matinée d'un jour très froid, un vieil-
1 lard déguenillé grelottait sur le seuil du presby-
1 tère, attendant que Monsieur le curé rentrât de
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l'église chez lui. Dès que celui-ci aperçut le pau-
vre : <c Je n'ai pas le sou avec moi, mon pauvre
1 « vieux ; venez, on vous donnera la goutte. -
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« - Eh! mon bon Monsieur, voyez où j'en suis
1
« avec un froid comme il fait, et il lui montrait
1 « ses habits en lambeaux. - Ne bougez pas et ne
« dites rien, reprit le bon curé, qui se souvint de
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t « ce qu'avait fait saint François de Sales dans
cc un cas pareil, patience ! » Et il se blottit dans un
coin de l'escalier, quitte sa culotte, la donne au
pauvre en lui disant : <c Tenez, mettez-la vite,
<c pendant qu'elle est toute chaude. »
Un autre jour, en 1817, quand la coupe de
froment coûtait 80 francs, il voit entrer chez lui
une femme éplorée et exténuée de privations.
Heureusement, Louise Randon, ménagère du
bon curé, venait de sortir, s'apprêtant à porter