Page 87 - Album_des_jeunes_1960
P. 87

MA RENCONTRE AVEC UN CHAMPION DU MONDE                                   85

            Le gong retentit. Je quittai mon coin sans grand   sous moi, un sourire hébété sur les lèvres. Le ring
          enthousiasme. Dempsey approcha en dansant et       fit un tour complet dans le sens des aiguilles
          effleura mes gants d’un coup léger. Puis, s’accrou­  d’une montre, puis repartit en sens inverse.
          pissant, il se mit à sautiller de droite et de       J’entendis Kearns compter au-dessus de moi :
          gauche. Je m’attendais à le voir, d’un instant à     — Six, sept, huit...
          l’autre, lancer un de ses terribles crochets du      Et, comme un idiot, je me relevai !
          gauche. Je me rappelais quel venait d’être le sort   Rien ne m’y obligeait.
          de Farmer Lodge, et je me sentais bien seul...       J’avais atteint mon but, découvert le secret
          Interprétant à ma manière la position A, recom­    précieux que je cherchais. Mais j’avais honte de
          mandée par le Manuel du parfait boxeur, je me      jouer les lâches, allongé par terre devant
          mis en garde, le bras gauche en avant et le reste   3 000 spectateurs. Et, en proie au vertige, les
          de ma personne aussi loin que possible de          oreilles bourdonnantes, je me remis sur mes
          Dempsey.                                           jambes.
            Sautillant toujours, le champion se mit à me       Se ruant sur moi, Dempsey m’entraîna dans un
          poursuivre. Disparu, le sourire amical qui avait   corps à corps éperdu et me fit valser autour du
          endormi mes appréhensions sur la véranda de son    ring ; mais, en même temps, il me soutenait. Lui
          pavillon ! Avec son protège-tête de cuir qui lui   aussi avait atteint son but : il avait acquis la
          couvrait le front, ses yeux étincelants et son rictus   preuve que je n’étais pas une brute envoyée par le
          sauvage, il avait l’air d’un tigre traquant sa proie.   camp de Firpo pour le démolir. Jack Kearns lui-
          Je m’assurai qu’il y avait un espace libre derrière   même riait à gorge déployée.
          moi et battis en retraite.                           Dempsey me chuchota :
            Quelqu’un, dans la foule, me lança une injure      — Accroche-toi, mon gars ; et reste au corps à
          grossière. Ce fut ma perte, car aussitôt le sens   corps jusqu’à ce que tu y voies plus clair.
          de l’honneur des Gallico se réveilla en moi. Un      Le Colosse était bon prince ! Je me crampon­
          peu au hasard, je lançai mon poing gauche qui      nai à lui comme à un grand frère enfin retrouvé.
          rencontra le nez de Dempsey. Bravo ! Un point      Nous fîmes ainsi quelques tours de ring. Puis,
          pour Gallico ! Grisé par ce succès, je frappai du   d’un air très détaché, le champion m’assena une
          gauche, une deuxième, puis une troisième fois.     demi-douzaine de tapes affectueuses sur la nuque.
          Tous mes coups atteignaient leur objectif, pour la   Lorsque je revins à moi, Kearns, penché de nou­
          raison bien simple que Dempsey ne prenait même     veau sur moi, comptait. Je serais encore sur le
          pas la peine de se défendre.                       tapis si on n’avait eu besoin du ring pour la suite
            Trois coups avaient porté ! Je commençais à      du spectacle. L’affaire avait duré en tout une
          trouver l’aventure amusante. Pourquoi ne pas       minute trente-sept secondes, pas une de plus.
          risquer ma chance une quatrième fois ? C’est ce      On me conduisit dans une pièce où je pus
          que je fis.                                        m’allonger en attendant de retrouver mes esprits.
             « BOUUUUUUUMM ! »                               J’avais une migraine atroce et pouvais m’estimer
            En un éclair, j’entrevis le bras bronzé de       heureux d’être vivant. Dès mon retour à l’état
          Dempsey. Puis une explosion formidable se pro­     normal, je me précipitai sur une machine à écrire
          duisit quelque part dans mon crâne, une grande     et rédigeai mon article dont ce récit est un compte
          lumière m’éblouit et je sombrai dans le noir...    rendu fidèle. En lisant mon article qu’accompa­
                                                             gnait une photo où je figurais étendu pour le
                      L’expérience paie                      compte, le directeur de mon journal faillit s’étran­
                                                             gler de rire. C’est du moins ce que l’on m’a
              entement, la lumière reparut, et je me         raconté. En tout cas, un an plus tard, il me nom­
          L    retrouvai assis sur le tapis, une jambe repliée   mait rédacteur sportif.




                         Réponses à CONNAISSEZ-VOUS CES COIFFES 2

                                                    (Voir page 13.)
               BOULONNAISE 9, NORMANDE 7. BRESSANE I, SABLAISE 5. LORRAINE 10. BRETONNE DE GUINGAMP 2.
                            BRETONNE BIGOUDEN 8, ALSACIENNE 3, ARLÉSIENNE 4. SAVOYARDE 6.
   82   83   84   85   86   87   88   89   90   91   92