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SANTOS-DUMONT                                          89


          première fois qu’on voyait un être humain se       allait être projeté dans le vide. Immédiatement,
          déplacer à sa guise dans l’espace. Soudain, une    il coupa le contact : l’hélice ralentit, s’arrêta.
          petite fille s’écria :                             L’énorme ballon, à demi dégonflé, fut emporté
            — Il est cassé !                                 par le vent et alla enfin buter contre le toit d’une
            Elle ne se trompait pas. La pompe à air avait    maison. On entendit une violente explosion, et le
          cessé de fonctionner et le grand sac de soie       Santos-Dumont n° 5, et son pilote lui-même, dis­
          commençait à se dégonfler. D’une minute à          parurent... Les pompiers accoururent et décou­
          l’autre, l’aéronef allait s’écraser au sol ! Mais   vrirent le héros de l’aventure accroché à l’appui
          Santos-Dumont survolait, maintenant, un champ      d’une fenêtre à trente mètres au-dessus du sol. La
          où de jeunes garçons jouaient au cerf-volant.      quille de l’appareil s’était coincée entre deux toits,
            — Attrapez la corde, leur cria-t-il au moment    sauvant ainsi Santos-Dumont de la mort.
          où le guiderope touchait le sol, et courez contre le   Sans se décourager, l’inventeur passait le soir
          vent ! Comme avec un cerf-volant !                 même l’ordre de construire le Santos-Dumont n° 6.
            Les enfants obéirent, et la résistance de l’air   Et, un mois plus tard, il voguait de nouveau en
          ralentit la chute de l’aéronef.                    plein ciel vers la tour Eiffel, au-dessus d’une
            Mais Santos-Dumont avait volé. Il s’était élevé  foule immense venue assister à son exploit et,
          dans les airs par ses propres moyens  et avait cette fois, il gagna la coupe de 100 000 francs
          conduit son ballon à sa guise. Le pre­
          mier, il avait réussi à voler en utilisant
          un moteur à explosion.
            A l’époque de ce premier triomphe,
          Santos-Dumont n’avait que vingt-cinq
          ans. Il était né en 1873 ; il avait
          9 frères et sœurs, et son père, l’un des
          rois du café à Sao Paulo, possédait
          d’immenses plantations exploitées à
          l’aide des machines les plus modernes.
          C’est là-bas que le jeune garçon avait
          commencé à s’intéresser à la mécanique.
            Il fit ses étudès scientifiques au
          Brésil, puis vint à Paris apprendre les sciences   qu’il s’empressa de partager entre son personnel
          aéronautiques et, à sa grande surprise, constata   et les pauvres de Paris.
          que si l’on voyait à Paris nombre de ballons          Cet homme était de quarante ans en avance sur
          sphériques, on n’y voyait pas un seul dirigeable.   son temps. Après bien des essais avec des appareils
          Santos-Dumont se lança aussitôt dans des expé­     mi-aéroplane mi-ballon, il réussit enfin, en 1906,
          riences qui furent couronnées de succès en         à construire une machine volante plus lourde que
          1898. Encouragé par cette réussite, il fit cons­   l’air et il l’expérimenta en public.
          truire quatre autres aéronefs d’une valeur de         Par la suite, il mit au point les premiers
          120 000 francs chacun, et se sentit prêt, désor­   monoplans utilisables. Ses appareils, faits de soie
          mais, à concourir pour le prix de 100 000 francs   et de bambou, pesaient (moteur et pilote compris)
          qui devait récompenser l’homme capable de          150 kilos à peine, et il les avait baptisés Libellule.
          contourner la tour Eiffel en ballon et de rega­    En 1909, à bord de sa Libellule n° 2, il établit le
          gner son point de départ, c’est-à-dire Saint-Cloud,   record de vitesse de 90 km/h.
          en moins d’une demi-heure.                            Ce devait être son dernier triomphe, mais
             Le 8 août 1901, le jeune Brésilien s’envolait   aujourd’hui encore l’aviation tout entière demeure
          dans le Santos-Dumont n° 5 et atteignait la tour   marquée par son influence.
          Eiffel en neuf minutes. Tout semblait annoncer        Les avions gigantesques, qui transportent voya­
          qu’il tenait la victoire. Mais, à ce moment précis,   geurs et marchandises d’un bout à l’autre de la
          les cordes qui soutenaient la nacelle d’osier subi­  planète et créent entre peuples et entre pays
          rent une violente secousse ; celles de l’avant se   des liens sans précédents, sont tous les descen­
          détendirent et les pales de l’hélice les entamèrent.   dants du Santos-Dumont n° 1 et de la première
          Encore quelques secondes, et Santos-Dumont         Libellule.
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