Page 91 - Album_des_jeunes_1960
P. 91
SANTOS-DUMONT 89
première fois qu’on voyait un être humain se allait être projeté dans le vide. Immédiatement,
déplacer à sa guise dans l’espace. Soudain, une il coupa le contact : l’hélice ralentit, s’arrêta.
petite fille s’écria : L’énorme ballon, à demi dégonflé, fut emporté
— Il est cassé ! par le vent et alla enfin buter contre le toit d’une
Elle ne se trompait pas. La pompe à air avait maison. On entendit une violente explosion, et le
cessé de fonctionner et le grand sac de soie Santos-Dumont n° 5, et son pilote lui-même, dis
commençait à se dégonfler. D’une minute à parurent... Les pompiers accoururent et décou
l’autre, l’aéronef allait s’écraser au sol ! Mais vrirent le héros de l’aventure accroché à l’appui
Santos-Dumont survolait, maintenant, un champ d’une fenêtre à trente mètres au-dessus du sol. La
où de jeunes garçons jouaient au cerf-volant. quille de l’appareil s’était coincée entre deux toits,
— Attrapez la corde, leur cria-t-il au moment sauvant ainsi Santos-Dumont de la mort.
où le guiderope touchait le sol, et courez contre le Sans se décourager, l’inventeur passait le soir
vent ! Comme avec un cerf-volant ! même l’ordre de construire le Santos-Dumont n° 6.
Les enfants obéirent, et la résistance de l’air Et, un mois plus tard, il voguait de nouveau en
ralentit la chute de l’aéronef. plein ciel vers la tour Eiffel, au-dessus d’une
Mais Santos-Dumont avait volé. Il s’était élevé foule immense venue assister à son exploit et,
dans les airs par ses propres moyens et avait cette fois, il gagna la coupe de 100 000 francs
conduit son ballon à sa guise. Le pre
mier, il avait réussi à voler en utilisant
un moteur à explosion.
A l’époque de ce premier triomphe,
Santos-Dumont n’avait que vingt-cinq
ans. Il était né en 1873 ; il avait
9 frères et sœurs, et son père, l’un des
rois du café à Sao Paulo, possédait
d’immenses plantations exploitées à
l’aide des machines les plus modernes.
C’est là-bas que le jeune garçon avait
commencé à s’intéresser à la mécanique.
Il fit ses étudès scientifiques au
Brésil, puis vint à Paris apprendre les sciences qu’il s’empressa de partager entre son personnel
aéronautiques et, à sa grande surprise, constata et les pauvres de Paris.
que si l’on voyait à Paris nombre de ballons Cet homme était de quarante ans en avance sur
sphériques, on n’y voyait pas un seul dirigeable. son temps. Après bien des essais avec des appareils
Santos-Dumont se lança aussitôt dans des expé mi-aéroplane mi-ballon, il réussit enfin, en 1906,
riences qui furent couronnées de succès en à construire une machine volante plus lourde que
1898. Encouragé par cette réussite, il fit cons l’air et il l’expérimenta en public.
truire quatre autres aéronefs d’une valeur de Par la suite, il mit au point les premiers
120 000 francs chacun, et se sentit prêt, désor monoplans utilisables. Ses appareils, faits de soie
mais, à concourir pour le prix de 100 000 francs et de bambou, pesaient (moteur et pilote compris)
qui devait récompenser l’homme capable de 150 kilos à peine, et il les avait baptisés Libellule.
contourner la tour Eiffel en ballon et de rega En 1909, à bord de sa Libellule n° 2, il établit le
gner son point de départ, c’est-à-dire Saint-Cloud, record de vitesse de 90 km/h.
en moins d’une demi-heure. Ce devait être son dernier triomphe, mais
Le 8 août 1901, le jeune Brésilien s’envolait aujourd’hui encore l’aviation tout entière demeure
dans le Santos-Dumont n° 5 et atteignait la tour marquée par son influence.
Eiffel en neuf minutes. Tout semblait annoncer Les avions gigantesques, qui transportent voya
qu’il tenait la victoire. Mais, à ce moment précis, geurs et marchandises d’un bout à l’autre de la
les cordes qui soutenaient la nacelle d’osier subi planète et créent entre peuples et entre pays
rent une violente secousse ; celles de l’avant se des liens sans précédents, sont tous les descen
détendirent et les pales de l’hélice les entamèrent. dants du Santos-Dumont n° 1 et de la première
Encore quelques secondes, et Santos-Dumont Libellule.