Page 26 - Album_des_jeunes_1960
P. 26

24                                   ANNIE DU FAR WEST

                  Avec la Parade du Far West                     goût. Peu d’Anglais voulaient croire que c’était là
                                                                 « la fille du Far West » qui rendait des points
                  ans toute l’histoire du spectacle, il n’existe   aux meilleurs tireurs de leur pays.
              D    peut-être rien d’aussi étonnant que la          Bon nombre de personnalités très connues

                  Parade du Far West de Buffalo Bill. Avec ses assistèrent à la première représentation. Et
             cow-boys, ses Indiens, ses buffles, son Pony        quelques jours plus tard, la reine Victoria, dont
              Express, cette parade représentait bien l’épopée   on célébrait les cinquante ans de règne, demanda
             de la brousse américaine. Et tout était vrai. Les   que la Parade fût jouée devant elle et les invités
             cow-boys venaient tout droit des ranches, les       de son Jubilé, c’est-à-dire toutes les têtes cou­
             Indiens de leurs wigwams. Le colonel Bill Cody      ronnées d’Europe.
             — Buffalo Bill — était un vrai chasseur de            Annie reçut une invitation du prince héritier
             buffles qui s’était battu avec les Indiens, comme   d’Allemagne, Guillaume, qui voulait la voir se pro­
             le prouvaient de nombreuses cicatrices de balles    duire devant l’empereur. Laissant pour un temps
             et de flèches.                                      la troupe, Frank et Annie se rendirent à Berlin.
                Dès quelle entra dans la Parade, en 1884,          Il faisait froid sur le champ de courses où
             Annie en fut l’étoile.                              Annie devait exercer son talent et, à la vue des
                Au son d’une fanfare de trompettes et de         personnages royaux assis dans les tribunes avec
             tambours, elle pénétrait sur la piste à bride       des rangées d’officiers allemands gourmés, elle
              abattue. Un cow-boy lançait en l’air des cibles    eut un peu le trac.
             tout en galopant devant elle. Annie épaulait son      — Ce sont des gens comme les autres, lui
             fusil et les pulvérisait. Puis elle sautait à bas de   murmura Frank, et ils adorent le tir.
             sa bête et s’élançait vers le stand de tir, où Frank
             jetait en l’air des boules de verre.                       Si elle touche le prince...
                Frank se plaçait ensuite à une quinzaine de
             mètres, une carte à jouer, généralement le cinq      A nnie se rasséréna. Mais voici que le prince
             de cœur à la main, et Annie transperçait chaque          Guillaume, le futur Kaiser, s’approche
             cœur. Enfin il faisait tourner autour de lui une    d’elle. Il lui rappelle un numéro qu’il lui a vu
             boule de verre au bout d’une corde et Annie,        exécuter à Londres et lui demande de le répéter.
             étendue à la renverse sur un siège, le fusil sens   Le public est soudain tendu, silencieux. Le prince
             dessus dessous, brisait la boule.                   debout, très droit, allume une cigarette ; Annie
                Se souvenant des années difficiles de son        s’éloigne de lui à une distance d’environ quinze
             enfance, elle avait une tendresse particulière pour   mètres. Elle se retourne, lève son fusil et tire.
             les jeunes. Un dimanche, au cours d’une prome­        La cigarette est toujours entre les lèvres du
              nade, elle aperçut un groupe d’enfants derrière    prince, mais son bout rougeoyant a disparu. Les
             les grilles d’un orphelinat. Elle les invita aussitôt   spectateurs poussent un soupir de soulagement et
              à venir voir la Parade. Le lendemain, quand elle   éclatent en applaudissements. Supposez qu’elle
              entra au galop sur la piste, elle salua tout spécia­  ait touché le prince ! Mais jamais l’émotion n’a
              lement ses cinquante invités et, à la fin de la    fait trembler la main d’Annie.
             représentation, elle leur offrit des glaces. Dès lors,   A Chicago, en 1893, la Parade de Buffalo Bill
             le « Jour d’Annie Oakley » s’instaura régulière­    dut refuser tous les soirs l’entrée à des milliers de
             ment, Buffalo Bill offrant l’entrée gratuite aux    personnes, car la salle était comble. A trente-trois
             enfants et Annie se chargeant des glaces.           ans, Annie était à l’apogée de sa renommée. Pen­
                Au début de 1887, la compagnie s’embarqua        dant huit ans encore, elle étonna le monde. Elle
              pour Londres.                                      et Frank parlaient quelquefois de prendre leur
                Bien avant de commencer ses représentations,     retraite. Mais dès que revenait le printemps,
             la troupe était l’objet de toutes les conversations   l’attrait de la vie d’aventures les poussait à se
              à Londres où l’on n’avait jamais rien vu de        remettre en route.
              pareil : des Peaux-Rouges campant sous les tentes
              plantées dans les jardins d’Earls Court, des                        ★ ★ ★
              cow-boys en promenade dans l’abbaye de
              Westminster et la tour de Londres. Et surtout       Annie Oakley mourut en 1926, mais son nom n’est pas tombé
                                                                 dans l’oubli. A la scène et à l’écran, Vhistoire de ses exploits conti­
              Annie Oakley, mince, gracieuse, habillée avec      nue à enchanter d'innombrables spectateurs.
   21   22   23   24   25   26   27   28   29   30   31