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QUAND LE SAHARA n’ÉTAIT PAS UN DÉSERT
savants d’établir que les peuplades en question vogua sur cet océan de sable. Bien vite, le Sahara
appartenaient pour la plupart à la fin de lage devint sa raison de vivre, sa passion, son pays
de pierre. d’adoption. Il le parcourut en tous sens, couvrant
plus de 80 000 kilomètres, apprenant à aimer ses
(^/’est un groupe d’officiers français qui, beautés et ses mystères. Il était constamment
patrouillant dans une zone à 1 200 kilomètres hanté par l’image de ce que le Sahara avait dû
au sud d’Alger, signala pour la première fois être autrefois, et il s’attardait à contempler le lit
l’existence de peintures extraordinaires dans cer desséché des grands fleuves qui l’avaient arrosé
taines grottes du Tassili. il y a bien longtemps. Il se lia d’amitié avec les
En 1933, le lieutenant Charles Brenans, qui populations éparses qui s’accrochent encore au
commandait le poste de Djanet, fit avec ses méha- pays des rivières mortes, les Touareg du Hoggar,
ristes une tournée d’inspection, au cours de avec leurs hommes voilés et leurs femmes au
laquelle il découvrit des galeries ornées de fresques visage découvert, tous si nobles d’allure et de
représentant des chasseurs, des conducteurs de sentiments.
chars, des éléphants et des troupeaux de bestiaux, Lhote passa un an et demi à explorer, le plus
des rites religieux et des scènes familiales. Pro souvent seul, le Tassili-n-Ajjer. Maintes et maintes
fondément impressionné par sa découverte, cet fois, dans des grottes de grès, creusées par l’éro
officier profita de ses tournées pour prendre de sion, il découvrit des peintures qui l’émerveil
nombreux croquis. lèrent. Conservées presque intactes par la séche
Les savants français auxquels il les montra par resse de l’air, ces fresques, qui remontaient à diffé
la suite se passionnèrent pour la question. Ces rentes époques, représentaient tantôt des chasseurs
peintures prouvaient que le Sahara n’avait pas nus tirant à l’arc, tantôt des guerriers à tête ronde
toujours été un désert sans vie. Ni les peuplades brandissant des lances. Sur d’autres, on pouvait
primitives qui avaient peint ces fresques, ni les voir de pacifiques bergers, vêtus de longs tabliers
animaux qu’elles élevaient ou chassaient n’au et poussant devant eux des troupeaux de bêtes
raient pu vivre sans eau et sans pâturages. à longues cornes recourbées. Certains portaient
Aujourd’hui, il est scientifiquement certain que une coiffure rappelant celle des Egyptiens.
le Sahara était encore, il y a quatre mille ans, une Quelle étrange faune sur les parois de ces
région fertile et peuplée. grottes ! Certains des animaux représentés ont
Parmi les personnes à qui Brenans montra ses disparu depuis longtemps de la surface de la terre.
dessins, il y avait Henri Lhote. Orphelin très
jeune, Lhote avait dû gagner sa vie dès l’âge de
quatorze ans. A dix-neuf ans, sa carrière de pilote
militaire fut brisée net par un accident qui le
laissa sourd d’une oreille.
Un an plus tard, on lui offrit de participer à
une expédition scientifique dans le Sahara. Il
s’empressa de gagner Alger. Mais le chef de l’expé
dition n’ayant pas donné suite à son projet, Lhote
s’y trouva en panne.
Bien qu’il n’eût ni argent ni relations, et
aucune expérience du désert, il avait cependant
décidé de se lancer dans la traversée du Sahara.
Finalement, il parvint à obtenir du gouvernement
un crédit de 2 000 francs, destiné à la « lutte
contre les sauterelles. »
Avec cette maigre somme, Lhote acheta un cha
meau, des vivres, quelques livres sur les saute
relles, et il se mit en route. Personne encore
n’avait sans doute abordé le Sahara avec une telle
ignorance de ses dangers.
Pendant les trois années qui suivirent, Lhote