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                                   LE PLUS GRAND DETECTIVE FRANÇAIS

       En un an, il prend les mensurations de 7 336       semblaient étrangement. En outre, sur les
       malfaiteurs et identifie 49 récidivistes. L’année   11 mesures Bertillon, 7 étaient exactement les
       suivante, le nombre des récidivistes arrêtés s’élève   mêmes et les 4 autres ne différaient que légè­
       à 241. La préfecture adopte alors officiellement   rement. Seules, les empreintes digitales n’avaient
       le nouveau système, Bertillon devient directeur du   absolument rien de commun.
       service de l’identité judiciaire et, grâce à sa      Bertillon réagit alors avec loyauté. Aux mesures
       méthode, il obtient des résultats sensationnels.   de chaque nouveau criminel, il ajouta les emprein­
         Le nom de Bertillon est désormais connu dans     tes digitales. De plus, il inventa un procédé de
       le monde entier, et son système semble solidement   photographie des empreintes et mit au point une
       établi. Mais, infatigable, il s’attaque toujours à de   poudre blanche qui permettait de les relever sur
       nouveaux problèmes. Le premier, il s’aperçoit qu’il   les objets touchés. Une chose le tracassait cepen­
       est possible de déterminer la taille d’un homme    dant : les empreintes n’avaient encore jamais aidé
       d’après la dimension de ses enjambées. Il est éga­  à résoudre une énigme criminelle. Mais voici que...
       lement le premier à exiger que l’on photographie      Par une nuit d’octobre 1902, un inconnu
       le lieu du crime.                                  pénétra par effraction dans l’appartement d’un
         Contrairement à une opinion assez répandue,      dentiste parisien, brisa la glace d’une vitrine et
       ce ne fut pas Bertillon qui, le premier, eut l’idée   empocha quelques bibelots de valeur. Au moment
       de se servir des empreintes digitales pour iden-   de partir, le voleur avait dû être surpris par le


















       tifier les criminels. Au début, il se montra même   domestique du dentiste et l’avait assommé. Bertil­
       défavorable à cette nouvelle méthode.              lon recueillit avec soin quelques éclats de verre
          Les partisans de la « dactyloscopie » (étude des   qu’il emporta à son laboratoire.
       empreintes digitales) firent tous leurs efforts pour   Sur l’un de ces fragments apparaissaient quatre
       le convaincre. Ils insistèrent sur les caractères   empreintes assez nettes pour qu’on pût les photo­
       étonnants des empreintes digitales : les doigts    graphier et les agrandir. Bertillon courut à son
       transpirent continuellement et laissent des mar­   fichier. Une fiche établie au nom d’un criminel
       ques révélatrices sur tout ce qu’ils touchent. Les   endurci, nommé Scheffer, portait des empreintes
       empreintes digitales ne changent jamais. Même si   correspondant exactement à celles des débris de
       la peau tombe au bout des doigts, l’épiderme qui    verre ! Quelques jours plus tard, le meurtrier était
       se reforme au-dessous reproduit exactement le des­  arrêté. Scheffer, qui haïssait le domestique du
       sin initial. Et, le plus curieux, c’est qu’il n’existe   dentiste, avait imaginé un cambriolage pour
       pas une chance sur un milliard pour que deux        camoufler son meurtre. Mais il avait compté sans
       personnes possèdent des empreintes absolument       Bertillon...
       identiques.                                           Ainsi, pour la première fois, un assassin était
          Bertillon n’était toujours pas convaincu. La     pris grâce à ses empreintes. Cet événement fit sen­
       dactyloscopie était une science trop nouvelle, trop   sation dans le monde de la police ; il aida à faire
        incertaine. Son procédé anthropométrique, lui,     connaître et à répandre le nouveau système et
        avait fait ses preuves. Un incident survint, pour­  ajouta encore au prestige de Bertillon.
        tant, qui lui ouvrit les yeux.                       Le plus illustre des criminologistes français
          Dans une prison américaine, on trouva, coïn­     mourut en 1914, à l’âge de soixante et un ans.
        cidence extraordinaire, deux détenus qui, sans     C’est grâce à lui que nous pouvons nous endormir
        être parents, portaient le même nom et se res-     plus rassurés ce soir.
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