Page 25 - Album_des_jeunes_1960
P. 25
ANNIE DU FAR WEST 23
Un concours de tir pulvérisée par la balle, le chien en attrapait le
plus gros morceau, se précipitait sur le devant de
n réalité, Annie n’avait jamais vu l’Ouest des la scène, se couchait avec le morceau de pomme
E Etats-Unis avant de franchir le Mississippi entre les pattes et attendait pour le manger que le
avec la Parade du Far West. Mais ses années public applaudisse. Ce chien adorait son maître
d’enfance passées dans les forêts de l’Ohio lui et était jaloux de tous ceux qui essayaient de se
avaient donné une endurance de pionnier. lier d’amitié avec lui, surtout des femmes.
Quand Annie eut onze ans, on la jugea assez Ce soir-là, il prit comme d’habitude le plus gros
grande pour manier un fusil et, avec la vieille morceau de pomme et courut jusqu’au bord de la
carabine de son père, elle réussit vite à abattre scène. Mais, au lieu de se coucher, il sauta dans
des cailles et d’autres oiseaux sauvages. la salle, courut vers Annie et posa le nez sur ses
Elle avait quinze ans quand une de ses sœurs genoux. Quand Frank s’approcha, le caniche
mariées l’invita à venir dans la ville voisine où gronda comme pour dire : « Je suis bien ici...,
elle demeurait. Ce qui l’intéressa le plus dans laisse-moi tranquille. » Frank regarda Annie qui
cette ville, ce fut le stand de tir. Un jour, son lui adressa un charmant sourire, et il conclut que
beau-frère l’y emmena et, après avoir fait son chien avait raison. Au cours de l’année qui
quelques cartons, il lui offrit son fusil en lui suivit, il persuada la mince jeune fille aux
demandant si elle voulait s’y essayer. Il fut bien cheveux châtains, qui l’avait battu au tir, de
stupéfait de la voir faire mouche à tous les coups. devenir sa femme.
Elle paraissait infaillible. La timide Annie n’avait probablement jamais
— Je parie qu elle tire mieux que Frank songé à exercer ses talents en public. Mais un
Butler, déclara le beau-frère. soir, le partenaire de Frank tomba malade et,
Frank Butler était un fringant Irlandais, grand plutôt que de risquer de perdre leur gagne-pain,
et hâlé, qui exécutait un numéro de tir dans un Annie décida de le remplacer. On l’applaudit
music-hall. Il passait pour le meilleur tireur du encore plus que son mari. Leurs valises s’ornèrent
monde. Annie lui fut présentée et il accepta de bientôt de leurs deux noms « Butler & Oakley ».
se mesurer avec elle au tir aux pigeons, où des Au cours des cinq années suivantes, Frank lui
pigeons d’argile servent de cible. apprit à devenir une vedette du tir et lui donna
En attendant que l’épreuve commence, Annie aussi l’instruction qu’elle n’avait pas reçue dans
se sentait perdue au milieu de cette foule d’in son enfance. En attendant leur tour d’entrer en
connus qui la dévisageaient. Elle aurait aimé scène, dans des loges pleines de courants d’air, il
rentrer chez elle. Mais elle se força à croire lisait — des journaux, des livres, des revues —
quelle se trouvait dans la forêt familière, guettant suivant chaque ligne du doigt, et il la faisait lire
un envol de cailles. « Pas besoin de viser, se tout haut ensuite.
dit-elle. Suis seulement leur trajectoire et presse
la détente au bon moment. »
Elle épaula son arme. « Feu ! » Son regard
capta le pigeon d’argile qui était catapulté dans
les airs. Son doigt manœuvra la détente.
— Touché ! cria l’arbitre.
L’ordre de tirer fut donné vingt-cinq fois. Les
deux tireurs restèrent ex aequo jusqu’au dernier
pigeon que Frank manqua et qu’Annie abattit. En
plus de l’argent obtenu en prix de sa victoire, elle
reçut une autre récompense : Frank Butler lui
donna des billets pour assister à son numéro, la
semaine suivante.
Annie n’avait encore jamais mis le pied dans
un théâtre et elle eut l’impression de vivre un
conte de fées. L’un des tours favoris de Frank
consistait à viser une pomme placée sur la tête
d’un caniche blanc ; quand la pomme était