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La vérité sur
Christophe
par Samuel Eliot Morison
n grand gaillard roux, au sourire sympa ne répêchait-on pas dans l’Océan des troncs
thique, au nez crochu, aux pommettes d’arbres et des fruits de mer qui ne pouvaient
saillantes, au long visage couvert de taches de venir d’Afrique ? En somme, tout le monde était
rousseur : tel était Christophe Colomb. Il avait d’accord pour croire qu’il existait bien à l’Ouest
fait beaucoup de choses dans sa vie. Mais c’était une terre qu’un marin audacieux pouvait décou
surtout un marin. Sa découverte de l’Amérique vrir. Mais personne ne songeait à entreprendre
constitue un exploit d’une audace sans égale. un tel voyage, personne, du moins, jusqu’à ce que
Mais il ne faut pas croire tout ce que l’on raconte l’idée s’emparât de Christophe Colomb.
à ce sujet. On dit, par exemple, que Colomb fut Christophe Colomb était né à Gênes en
le premier à penser que la terre était ronde. C’est
inexact. Au xv® siècle, tous les gens intelligents le 1451. Son père combinait le métier de tisserand
croyaient et on enseignait cela dans les écoles. avec celui d’aubergiste. On ne sait pas gra,nd
On a même retrouvé des globes terrestres datant chose des années de jeunesse du grand explora
de cette époque et ne différant pas tellement de teur, sinon qu’il fut tisserand comme son père
ceux que nous utilisons de nos jours. et qu’il bourlingua beaucoup. Gênes était alors un
port très important. Colomb y apprit les premiers
En faisant voile vers l’ouest, Colomb se lan rudiments de cartographie et de navigation.
çait dans une aventure dangereuse, certes, mais Nous possédons des récits de ces premiers
qui n’avait rien d’insensé. Dans tous les ports voyages de Christophe Colomb. L’un d’eux
d’Europe, on racontait que des navigateurs l’emmena jusqu’en Islande. Et pourtant sa vraie
avaient déjà accompli ce voyage, tout au moins en chance lui vint non d’un voyage heureux mais
partie. On disait que la reine de Saba, voguant d’un naufrage qui le jeta sur les côtes du Portugal.
vers l’ouest, avait doublé l’Espagne et était arri En effet, le navire sur lequel il était matelot fut
vée jusqu’au Japon. On répétait la belle histoire attaqué par des pirates portugais. Bien que blessé,
des sept évêques portugais qui, fuyant une persé le Génois se jeta à la mer et gagna à la nage le
cution, avaient atteint, au large de Cuba, une port de Lagos, d’où il passa à Lisbonne.
île qu’ils avaient baptisée Antilla. Sans parler de Cela se passait en 1476. Et Lisbonne était
Leif Erikson qui avait conduit ses Vikings à bon l’endroit idéal pour un homme qui rêvait d’expé
port jusqu’aux côtes de l’Amérique du Nord. dition lointaine. On y trouvait des commandi
Une carte célèbre, dessinée par un médecin- taires pour les expéditions les plus extravagantes.
astronome italien nommé Toscanelli, passait pour On y enseignait aussi tout ce qu’il faut savoir en
exacte, bien quelle montrât le Japon à l’emplace mer : les mathématiques et l’astronomie, l’art de
ment où se trouve en réalité l’Amérique. Et puis, construire les navires et de les gréer.
D'après « Admirai of the Océan Sea », « Christophe Colomb », Julliard, éd., Paris. 177