Page 179 - Album_des_jeunes_1960
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        La vérité sur





                       Christophe











               par Samuel Eliot Morison

              n grand gaillard roux, au sourire sympa­     ne répêchait-on pas dans l’Océan des troncs
               thique, au nez crochu, aux pommettes         d’arbres et des fruits de mer qui ne pouvaient
        saillantes, au long visage couvert de taches de     venir d’Afrique ? En somme, tout le monde était
        rousseur : tel était Christophe Colomb. Il avait   d’accord pour croire qu’il existait bien à l’Ouest
        fait beaucoup de choses dans sa vie. Mais c’était   une terre qu’un marin audacieux pouvait décou­
        surtout un marin. Sa découverte de l’Amérique       vrir. Mais personne ne songeait à entreprendre
        constitue un exploit d’une audace sans égale.       un tel voyage, personne, du moins, jusqu’à ce que
        Mais il ne faut pas croire tout ce que l’on raconte   l’idée s’emparât de Christophe Colomb.
        à ce sujet. On dit, par exemple, que Colomb fut     Christophe Colomb était né à Gênes en
        le premier à penser que la terre était ronde. C’est
        inexact. Au xv® siècle, tous les gens intelligents le   1451. Son père combinait le métier de tisserand
        croyaient et on enseignait cela dans les écoles.    avec celui d’aubergiste. On ne sait pas gra,nd
        On a même retrouvé des globes terrestres datant     chose des années de jeunesse du grand explora­
        de cette époque et ne différant pas tellement de    teur, sinon qu’il fut tisserand comme son père
        ceux que nous utilisons de nos jours.               et qu’il bourlingua beaucoup. Gênes était alors un
                                                            port très important. Colomb y apprit les premiers
         En faisant voile vers l’ouest, Colomb se lan­      rudiments de cartographie et de navigation.
        çait dans une aventure dangereuse, certes, mais       Nous possédons des récits de ces premiers
         qui n’avait rien d’insensé. Dans tous les ports    voyages de Christophe Colomb. L’un d’eux
         d’Europe, on racontait que des navigateurs         l’emmena jusqu’en Islande. Et pourtant sa vraie
         avaient déjà accompli ce voyage, tout au moins en   chance lui vint non d’un voyage heureux mais
         partie. On disait que la reine de Saba, voguant    d’un naufrage qui le jeta sur les côtes du Portugal.
         vers l’ouest, avait doublé l’Espagne et était arri­  En effet, le navire sur lequel il était matelot fut
         vée jusqu’au Japon. On répétait la belle histoire   attaqué par des pirates portugais. Bien que blessé,
         des sept évêques portugais qui, fuyant une persé­  le Génois se jeta à la mer et gagna à la nage le
         cution, avaient atteint, au large de Cuba, une     port de Lagos, d’où il passa à Lisbonne.
         île qu’ils avaient baptisée Antilla. Sans parler de   Cela se passait en 1476. Et Lisbonne était
         Leif Erikson qui avait conduit ses Vikings à bon   l’endroit idéal pour un homme qui rêvait d’expé­
         port jusqu’aux côtes de l’Amérique du Nord.        dition lointaine. On y trouvait des commandi­
           Une carte célèbre, dessinée par un médecin-      taires pour les expéditions les plus extravagantes.
         astronome italien nommé Toscanelli, passait pour   On y enseignait aussi tout ce qu’il faut savoir en
         exacte, bien quelle montrât le Japon à l’emplace­  mer : les mathématiques et l’astronomie, l’art de
         ment où se trouve en réalité l’Amérique. Et puis,   construire les navires et de les gréer.
                             D'après « Admirai of the Océan Sea », « Christophe Colomb », Julliard, éd., Paris.  177
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