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               sait Pompéi enfouie sous sept mètres de cendres.
               La ville voisine, Herculanum, fut noyée sous vingt
               mètres de boue qui se pétrifia. Lorsque le soleil         LA PLUS VIOLENTE
               reparut enfin, plus de deux mille habitants de         EXPLOSION DU MONDE
               Pompéi, Herculanum et Stabies avaient cessé de
               vivre.                                                  La plus violente explosion qu’on ait jamais
                 C’est cet envelissement qui a conservé la ville     entendue sur terre n’a pas été produite par une
                                                                     bombe atomique ou une bombe H, mais par
               presque intacte. Au cours des âges, on finit par
                                                                     un volcan, le Krakatoa. Le 27 août 1883, un
              oublier son emplacement et jusqu’à son nom.            peu plus de dix-neuf siècles après la catastrophe
               Selon une vieille tradition, les gens du pays appe­   de Pompéi, l’île entière de Krakatoa, en Indo­
               laient la Civita (la cité) cette colline de cendres   nésie, sauta dans les airs avec un fracas qui
               stériles, proche du Sarno. Mais nul ne se souciait    s’entendit à près de 5 000 kilomètres. Le vol­
                                                                     can projeta des pierres et des cendres à 30 kilo­
               de savoir pourquoi.
                                                                     mètres de hauteur, et l’éruption provoqua un
                 En 1594, lorsqu’on creusa un tunnel sous la
                                                                     raz de marée d’une quinzaine de mètres qui
               colline pour détourner les eaux du Sarno, des ter­    submergea les îles voisines. La vague mesurait
               rassiers découvrirent deux tablettes couvertes        encore 30 centimètres quand elle atteignit le
               d’écriture. On n’y prêta guère attention. Ce fut      cap de Bonne-Espérance, à 9 000 kilomètres
                                                                     de là. D’énormes nuages de fumée se répan­
               seulement un siècle et demi plus tard, en 1748,
                                                                     dirent dans les couches supérieures de l’atmo­
               qu’un ingénieur du roi de Naples entrevit la          sphère et provoquèrent de magnifiques aurores,
              réalité quand il inspecta ce tunnel. Cet ingénieur,    visibles dans le monde entier. Ces phénomènes
              qui s’appelait Alcubierre, entreprit des fouilles      lumineux étaient encore visibles à Londres, six
              avec vingt-quatre ouvriers, mais pour se frayer un     mois plus tard.
              chemin il se servait de poudre à canon ! On était
              loin des méthodes prudentes des archéologues
              modernes ! Alcubierre eut la chance de tomber      pour toutes les importantes fouilles qu’on entre­
              tout de suite sur le centre de Pompéi. Au bout de   prit par la suite. Mais à Pompéi même, nul ne
              quelques jours, il découvrit une peinture murale,   songea à suivre son exemple.
              aux couleurs miraculeusement conservées, ainsi        Pendant les cent ans qui suivirent, les travaux
              que le premier cadavre : celui du pillard aux      continuèrent à être menés au petit bonheur. On
              pièces d’or. Toutes ses trouvailles allèrent enrichir   découvrit le grand forum avec ses tribunaux et
              les collections du roi de Naples.                  ses temples, puis le théâtre couvert, le stade qui
                 En 1763, Pompéi reçut la visite d’un Allemand,   pouvait contenir 20 000 spectateurs, le jardin
              nommé Winckelmann. C’était un homme d’ori­         zoologique et les thermes ou bains publics. Mais
              gine modeste, qui avait la passion des antiquités.   les chercheurs se souciaient moins de reconstituer
              Mais les fouilles étaient alors dirigées par des   la vie de la ville antique que d’expédier leurs
              gens qui s’efforçaient surtout d’en tirer un béné­  trouvailles au Musée de Naples, de sorte que
              fice personnel, et ils ne permirent pas au nouveau   Pompéi se trouva peu à peu dépouillée.
              venu de pénétrer sur le chantier. Ils le firent sur­  En 1860, enfin, on confia les fouilles à un
              veiller pendant qu’il visitait le Musée de Naples   archéologue distingué, Giuseppe Fiorelli. Il mit
              et l’empêchèrent même de prendre des croquis.      fin à cette « course au trésor » menée à l’aveu­
              Mais Winckelmann parvint à tout noter dans sa      glette et ordonna de recueillir et de respecter tous
              mémoire. Ensuite, après avoir échappé à l’espion   les fragments du passé, depuis la plus modeste
              chargé de le suivre, il versa une forte somme à    amphore jusqu’aux ornières creusées par les
              un contremaître qui lui permit de visiter les      roues dans les rues pavées. On progressa alors len­
              fouilles.                                          tement, rue par rue, maison par maison. Ces
                                                                 méthodes patientes étant toujours en usage, il
                         Les trésors du passé
                                                                 faudra peut-être encore un siècle pour dégager
                     inckelmann réussit à classer une masse      toutes les richesses de Pompéi.
              W       énorme de reliques éparses, et il en tira un   Aujourd’hui, tout ce que l’on découvre est
                     tableau parfaitement clair des six siècles d’exis­ remis à sa place, dans la mesure du possible. Telle
              tence de la petite cité. Son œuvre eut un grand    colonne brisée est redressée à l’endroit où elle
              retentissement, et ses méthodes furent adoptées    se trouvait. On reconstitue une mosaïque disper­
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