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LES RUINES VIVANTES DE POMPEI                                     171


              de ce vieux volcan éteint, au cratère obstrué par   leurs trésors, et ils périrent, écrasés sous les
              des rochers, aux flancs couverts de vignobles.     décombres. D’autres perdirent un temps précieux
              Ville six fois centenaire, Pompéi était devenue un   à tharger leurs biens sur des chariots. D’autres
              lieu de villégiature pour les riches Romains qui   enfin, qui s’étaient cachés dans leur maison,
              venaient passer l’été devant le golfe de Naples,   virent les portes bloquées par les cendres du
              et elle comptait maintenant plus de vingt mille    volcan et restèrent prisonniers chez eux.
              habitants.                                            Presque tout ce que nous savons des dernières
                Les rayons du soleil firent resplendir le marbre   heures de Pompéi nous a été conté par un adoles­
              blanc des villas et des temples qui se détachaient   cent de dix-huit ans, Gaïus Plinius, dit Pline le
              sur les masses sombres des habitations populaires   Jeune, qui vivait à l’autre extrémité du golfe de
              construites en lave. Les rues s’emplirent d’anima­  Naples, au cap Misène, avec sa mère et son oncle.
              tion, et cette belle matinée s’écoula, semblable   Ce dernier, nommé Pline l’Ancien, était un célèbre
              aux autres, tandis que les aiguilles d’ombre des   naturaliste et amiral de la flotte romaine. Le
              cadrans solaires se rapprochaient lentement du     jeune homme, qui servait de secrétaire à son
              chiffre 1, marqué par le destin : une heure de     oncle, a écrit le meilleur récit de la catastrophe
              l’après-midi.                                      qui soit parvenu jusqu’à nous.
                Déjà, les commerçants refermaient les volets        Il nous raconte que l’amiral, apercevant la
              de leurs boutiques et s’apprêtaient à faire la sieste.   colonne de fumée qui montait du Vésuve, prit la
              Les jeunes filles, qui s’étaient retrouvées à la fon­  mer pour aller au secours de ses amis sur la rive
              taine pour bavarder, rentraient maintenant chez    opposée. Naviguant sous une pluie de cendres et
              elles, l’amphore juchée sur l’épaule. Un boulanger   de pierres, Pline l’Ancien atteignit Stabies, petit
              venait d’enfourner ses miches. Dans un cabaret,    port proche de Pompéi. Mais le tremblement de
              un consommateur posait quelques pièces de mon­     terre avait soulevé de si formidables vagues qu’il
              naie sur la table. Et soudain, un tremblement de   ne put repartir.
              terre ébranla la cité.
                La serveuse du cabaret ne ramassa pas les                 Pompéi, ville ensevelie
              pièces de monnaie. Les pains du boulanger
              furent carbonisés, on peut les voir aujourd’hui au     oute la nuit suivante, la terre trembla, tandis
              Musée de Naples. Dès la première secousse, la vie   T   que le volcan vomissait flammes, rochers et
              quotidienne s’arrêta pour toujours.                    cendres. A Misène, lorsque cette nuit d’horreur
                                                                 se termina, Pline le Jeune et sa mère se joignirent
                          Un cercle de mort                      à la foule des fugitifs qui abandonnaient leurs
                                                                 maisons chancelantes. Vers sept heures du matin,
                  e tremblement de terre marquait seulement      le ciel s’obscurcit de nouveau. Epuisée, la mère
              C    le début de la catastrophe : il annonçait le   du jeune homme supplia son fils de fuir seul, mais
                  réveil du vieux Vésuve. Avec de terribles gronde­ il l’entraîna de force sous un nuage de cendres.
              ments, le volcan se mit à cracher des flammes       « Et soudain, raconte-t-il, la nuit devint aussi
              jaunes et une épaisse vapeur. Les canalisations    profonde que dans une chambre sans fenêtres. »
              éclatèrent et l’eau ruissela dans les rues.           Lorsque ce manteau de ténèbres tomba sur
                Des milliers de personnes prirent la fuite. Les   Pompéi, tous ceux qui n’étaient pas encore partis
              plus prudentes marchèrent sans s’arrêter tout      furent pris de panique et se précipitèrent dans les
              l’après-midi et la nuit suivante, ce qui leur permit   rues étroites, encombrées de voitures surchargées.
              d’échapper au cercle de mort que le Vésuve         Soudain le vent tourna, apportant du Vésuve un
              répandait autour de lui. Mais nombreux furent      nuage de vapeurs mortelles, sans doute des gaz
              aussi ceux qui s’attardèrent, pour des raisons que   sulfureux. Sur la plage de Stabies, Pline l’Ancien
              l’on devina par la suite.                          n’en respira qu’une bouffée et tomba mort. De
                On retrouva, par exemple, autour d’une table,    même à Pompéi, quantité de gens périrent
              les convives qui participaient à un banquet        presque instantanément.
              funèbre. On découvrit un homme gisant dans la         Les cendres mêlées à la pluie formèrent sur les
              rue, les mains crispées sur des pièces d’or, sans   cadavres une sorte de carapace qui durcit et les
              doute un pillard qui venait de dévaliser des mai­  préserva pour des siècles. Enfin, après vingt-huit
              sons abandonnées. Certains voulurent enfouir       heures d’éruption, le Vésuve s’apaisa, mais il lais­
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