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J’AI DÉSAMORCÉ UNE BOMBE ATOMIQUE




                                                   par le Dr John Clark
                                                 directeur des essais à la section Nevada
                                            de la commission de l’Energie nucléaire américaine
                                                  récit recueilli par James Joseph

                   l est cinq heures du matin. Nous nous trou­     drait notre cœur battre. Puis une voix s’élève, qui
                I  préparons à faire exploser un engin nucléaire.  s’efforce d’être impassible mais qui trahit une
                   vons dans le désert du Nevada et nous nous
                                                                   profonde stupeur :
                  Le soleil levant brille sur les sables et les cactus   — Il y a eu un raté. Je répète : un raté. Que
                du désert, sur le pylône d’acier dans la cabine    chacun reste à son poste. Que personne ne bouge.
                duquel se trouve la bombe amorcée, sur la petite   Je répète : que personne ne bouge.
                centrale électrique au toit pointu, sur le blockhaus   L’impossible vient de se produire ! Pour la
                du poste de contrôle.                              seconde fois depuis le début de l’ère atomique,
                  C’est dans ce poste que je me trouve avec un     une bombe A refuse d’exploser. Et cette bombe,
                groupe de physiciens atomiques et mon chef Alvin   c’est moi qui devrai aller la désamorcer.
                Graves. A quatre kilomètres du pylône, 2 000 offi­    En attendant, je suis toujours au fond du
                ciers et soldats, terrés dans des tranchées, atten­  blockhaus, à vingt kilomètres de la tour d’explo­
                dent comme nous le déclenchement de l’explosion.   sion, et je ne peux
                                               Une voix com­       détacher les yeux des
                                            mence le dernier       tableaux de contrôle.
                                            comptage :             Les lampes témoins
                                              — Il est moins       sont au rouge comme
                                            dix secondes...        il est normal au mo­
                                               Le haut-parleur     ment d’une explosion.
                                            transmet l’avertis­    Sur les cadrans blancs
                                            sement à des kilo­     du panneau, toutes les
                                            mètres, il amplifie    aiguilles noires poin­
                                            la voix jusqu’à la     tent inexorablement
                                            faire hurler :         sur le zéro.
                                               — Moins cinq,          Par les hublots aux
                                            moins quatre...,       verres épais de trois
                                            trois.... deux..., un!  centimètres qui sont
                                               Nous retenons       creusés dans le triple
                                            notre souffle...       béton de l’abri-
                                                    ien ne se      contrôle, je fixe le
                                                     Le silence    pylône, cette petite
                                            est tel qu’on enten-   tour Eiffel d’acier qui
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