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Satan a disparu



                                                  PAR FULTON OURSLER


                   e grand illusionniste Harry Blackstone avait    Vêtu d’un collant et d’un manteau écarlates, le
                    un tour favori qu’il appelait la « Dispari­  garçon apparut et il s’introduisit dans le coffre
              tion de Satan ». Il enfermait son assistant, dé­   magique.
              guisé en diable, dans un grand coffre. Puis il       Blackstone referma le couvercle et tira un coup
              tirait un coup de revolver, ouvrait le coffre et le   de revolver. Quand il rouvrit, il poussa un soupir
              trouvait vide : le diable avait disparu !          de soulagement. Le coffre était vide, la trappe
                Blackstone faisait alors semblant d’être très    refermée.
              contrarié.                                           — Où est le diable ? cria-t-il.
                Il lançait trois appels ; au troisième, le diable   Silence.
              devait arriver du fond de la salle en bondissant     — Où est le diable ?
              et crier : « Me voilà ! me voilà ! »                 Silence.
                Bien entendu, le fond du coffre dissimulait        — Où est le diable ?
              une trappe ; mais des miroirs, habilement placés,    Silence absolu. Le diable, cette fois, avait bel
              donnaient l’impression d’un certain espace libre   et bien disparu !
              entre le coffre et le sol.                           Pendant ce temps, notre garçon, dans son
                Or, en tournée dans une ville où il y avait      accoutrement de diable, avait atteint le trottoir.
              deux théâtres, presque porte à porte, il apprit un   Un agent l’arrêta, curieux de savoir ce qu’il
              beau matin que son assistant était malade et inca­  fabriquait. Il lui fallut un moment pour s’expli­
              pable de jouer le soir. Pendant un moment, Black­  quer ; finalement l’agent le laissa aller...
              stone fut pour de bon contrarié. La seule per­       Quelque peu troublé, le malheureux courut à
              sonne sur qui il arriva à mettre la main était     la porte du théâtre, où le portier refusa de le
              un garçon à l’air visiblement peu dégourdi.        laisser entrer. Excédé il lui lança un direct dans
                Toute la journée, l’illusionniste et                       la mâchoire et se rua dans la salle.
              son nouvel assistant répétèrent. Au                             Comme il se sentait en retard, il
              coup de revolver le garçon disparais­                        n’attendit pas le signal et fonça tout
              sait par la trappe ; il sortait ensuite                      droit par l’allée centrale en criant à
              en rampant de dessous la scène, s’élan­                      tue-tête : « Me voilà ! me voilà ! »
              çait dans la rue, gagnait clopin-clopant                        Or il s’était trompé de théâtre. Sur
              l’entrée principale du théâtre pour                           la scène, au lieu de l’illusionniste, se
              traverser enfin la salle ventre à terre                       trouvait un groupe d’acteurs vêtus de
              en criant : « Me voilà ! me voilà ! »                         robes blanches et portant des ailes.
                Le soir donc, toutes dispositions étant                       Le diable avait surgi au beau milieu
              prises, le moment de cette fameuse                           d’une scène où les anges s’apprêtaient
              « Disparition de Satan » arriva.                              à emporter une petite fille au ciel !
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