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U! MILLE EN











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                                                                / '          par Roger Bannister




                 uand j’étais enfant, sans bien savoir          g/ sûr de lui et insuffisamment entraîné.
             O     pourquoi, j’avais tout le temps envie de      / Je terminai la course au comble de l’épui-
                 courir. Je courais partout et toujours, parce   J sement. J’avais l’impression d’avoir les pou-
             que je trouvais cela plus facile que de mar­             mons trop petits et je haletais comme un
             cher. Ma démarche était drôle, comme si            V malheureux en gravissant péniblement la
             j’avais eu des ressorts dans les genoux. Et              pente raide qui menait au but. Mais il
             puis, comme j’étais toujours pressé de voir              n’était pas question de laisser la victoire à
             et de faire quelque chose de nouveau, en courant,   un autre. A la surprise générale, je gagnai la
             je gagnais du temps.                               course.
                La course de cross-country du collège avait        Quand j’y repense, je suis certain que je n’étais
             lieu une fois par an. Tous les élèves y prenaient   pas plus fort que les autres ; je n’étais pas né avec
             part, sauf les gros, qui étaient dispensés. La pre­  des moyens exceptionnels. Mais je sentais qu’il
             mière année — j’avais alors onze ans — je ne       fallait gagner. Tout simplement.
             m’étais pas entraîné avant la course, mais je         C’est seulement après ma sortie du collège que
             m’étais mis dans la tête que, malgré mon jeune     j’ai entrepris de courir pour de bon.
             âge, j’allais gagner. Après un départ en flèche,
             j’arrivai dix-huitième, complètement épuisé.
                                                                    Si près du but, et pourtant...
                L’année suivante, mon chef de groupe me
             recommanda de m’entraîner, ce que je fis sans         'histoire de la course du « Mille en quatre
             discernement. Deux fois par semaine, je courais     L  minutes » commence en réalité le jour où
             de toutes mes forces sur un parcours de deux milles   une nouvelle extraordinaire nous parvint d’Aus­
             et demi (4 kilomètres environ). Après quoi je ren­  tralie : un athlète, John Landy, venait de courir
             trais en traînant la jambe. Il me fallait deux     le mille (1 609 mètres) en 4’ 2” 1/10 seulement.
             jours pour m’en remettre. Je savais bien qu’aucun   Je compris qu’il cherchait à battre le record dont
             garçon de mon âge n’avait jamais gagné cette       tous les sportifs et les athlètes rêvaient depuis des
             course ; cependant j’avais observé sans mot dire le   années : courir le mille en 4’ !
             vainqueur de l’année précédente, un géant de la       Cela se passait en décembre 1952 ; mon meil­
             classe de Troisième. Lui, bien sûr, ne me connais­  leur temps pour le mille était alors de 4’ 7” 8/10.
             sait même pas. D’un coup d’œil, je le jugeai trop   Je résolus de m’attaquer, moi aussi, à ce record.
             116                     D’après le livre « The First Four Minutes ». © 1955 Roger Bannister
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