Page 118 - Album_des_jeunes_1960
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U! MILLE EN
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/ ' par Roger Bannister
uand j’étais enfant, sans bien savoir g/ sûr de lui et insuffisamment entraîné.
O pourquoi, j’avais tout le temps envie de / Je terminai la course au comble de l’épui-
courir. Je courais partout et toujours, parce J sement. J’avais l’impression d’avoir les pou-
que je trouvais cela plus facile que de mar mons trop petits et je haletais comme un
cher. Ma démarche était drôle, comme si V malheureux en gravissant péniblement la
j’avais eu des ressorts dans les genoux. Et pente raide qui menait au but. Mais il
puis, comme j’étais toujours pressé de voir n’était pas question de laisser la victoire à
et de faire quelque chose de nouveau, en courant, un autre. A la surprise générale, je gagnai la
je gagnais du temps. course.
La course de cross-country du collège avait Quand j’y repense, je suis certain que je n’étais
lieu une fois par an. Tous les élèves y prenaient pas plus fort que les autres ; je n’étais pas né avec
part, sauf les gros, qui étaient dispensés. La pre des moyens exceptionnels. Mais je sentais qu’il
mière année — j’avais alors onze ans — je ne fallait gagner. Tout simplement.
m’étais pas entraîné avant la course, mais je C’est seulement après ma sortie du collège que
m’étais mis dans la tête que, malgré mon jeune j’ai entrepris de courir pour de bon.
âge, j’allais gagner. Après un départ en flèche,
j’arrivai dix-huitième, complètement épuisé.
Si près du but, et pourtant...
L’année suivante, mon chef de groupe me
recommanda de m’entraîner, ce que je fis sans 'histoire de la course du « Mille en quatre
discernement. Deux fois par semaine, je courais L minutes » commence en réalité le jour où
de toutes mes forces sur un parcours de deux milles une nouvelle extraordinaire nous parvint d’Aus
et demi (4 kilomètres environ). Après quoi je ren tralie : un athlète, John Landy, venait de courir
trais en traînant la jambe. Il me fallait deux le mille (1 609 mètres) en 4’ 2” 1/10 seulement.
jours pour m’en remettre. Je savais bien qu’aucun Je compris qu’il cherchait à battre le record dont
garçon de mon âge n’avait jamais gagné cette tous les sportifs et les athlètes rêvaient depuis des
course ; cependant j’avais observé sans mot dire le années : courir le mille en 4’ !
vainqueur de l’année précédente, un géant de la Cela se passait en décembre 1952 ; mon meil
classe de Troisième. Lui, bien sûr, ne me connais leur temps pour le mille était alors de 4’ 7” 8/10.
sait même pas. D’un coup d’œil, je le jugeai trop Je résolus de m’attaquer, moi aussi, à ce record.
116 D’après le livre « The First Four Minutes ». © 1955 Roger Bannister