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LA FIN DE BARBENOIRE LE PIRATE 111
connus l’Angleterre. Un jour, Hornigold ayant le plus longtemps dans la fumée de la bataille ! »
capturé un navire français, il y plaça Teach avec Les matelots avaient dû sortir l’un après l’autre,
un équipage et lui donna ordre d’opérer de pleurant et toussant, mais Barbenoire était resté
concert avec lui. Mais Teach, saisissant l’occasion le dernier. Jamais il ne permettait à ses hommes
de devenir son propre maître, prit le commande d’oublier de quoi il était capable.
ment du bâtiment et brûla la politesse à son — C’est un fou ! affirmait un vieux canonnier.
patron trop confiant. Un jour, il a invité tous ses officiers à dîner dans
En peu de temps, il transforma ce navire en sa cabine, et tout à coup, pendant le festin, il a
une redoutable machine de guerre. Il l’arma de soufflé toutes les chandelles qui éclairaient la
49 canons, légers et maniables, dont la portée table. Puis, tirant ses deux pistolets, il a tiré sous
n’excédait pas quelques centaines de mètres, mais la table, blessant l’un des officiers au genou.
qui, à cette distance, étaient capables de pulvé Complètement fou, n’est-ce pas ? Le lendemain,
riser n’importe quel adversaire. Puis il passa à son maître d’équipage a eu l’audace de lui
l’action. demander pourquoi il avait fait cela. Il a
Il commença par un coup d’éclat. Au large de répliqué : « Si je ne tire pas sur quelqu’un de
la base navale britannique de Saint-Vincent, aux temps en temps, mes hommes oublieront qui je
îles Sous-le-Vent, il s’empara d’un navire mar suis ! »
chand qu’il pilla et incendia, après avoir jeté
l’équipage dans une chaloupe. Mais de Saint- Médicaments et trésors
Vincent on avait aperçu les flammes et l’on
envoya à la poursuite du pirate un navire de endant deux ans, il ne fut question que de
guerre, le Scarborough. Teach n’hésita pas à Barbenoire. Il sema la terreur dans le
affronter cet adversaire et, après un violent enga port de Charleston et ce fut là l’un de ses
gement bord à bord, l’obligea à se réfugier au exploits les plus fameux. Après avoir croisé au
port pour y réparer ses avaries. large de cette ville, il s’empara de deux navires
qui faisaient route vers l’Angleterre et s’aperçut
Le diable en personne ! que l’un d’eux transportait plusieurs personnages
de marque. Le pirate fit alors savoir qu’il tuerait
omme une traînée de poudre, cette stupé ses prisonniers si on ne lui accordait pas libre
C fiante nouvelle se répandit tout le long de accès au port. Le marché conclu, il pénétra dans
la côte atlantique de l’Amérique. Sur ce, à mesure les eaux de Charleston, jeta l’ancre et envoya à
que Barbenoire multipliait ses prises, on vit terre une chaloupe, exigeant des médicaments
arriver dans les ports des bateaux qui débar dont il avait grand besoin. Sinon, gare aux otages !
quaient des marins décharnés, hagards, aux yeux La population était indignée, mais il fallut
fous, recueillis sur des îles désertes où le pirate les céder. Dans leurs vêtements bariolés, les pirates,
avait abandonnés, sans vivres et sans eau. armés jusqu’aux dents, se pavanaient dans les
Dans toutes les tavernes des ports, on ne parlait rues de la petite ville et molestaient les passants.
plus que de Barbenoire. Les rescapés le dépei Ils consentirent enfin à repartir quand on leur
gnaient sous les traits d’un géant vêtu d’une eut donné ce qu’ils désiraient. Teach libéra ses
jaquette de velours rouge aux larges revers et prisonniers, mais après les avoir dépouillés de
chaussé de bottes qui lui montaient jusqu’au haut tout ce qu’ils possédaient.
des cuisses. Mille histoires couraient sur lui. Barbenoire avait une façon bien à lui de cacher
— Il verse de la poudre à canon dans son ses trésors. Il embarquait dans une chaloupe avec
verre de rhum, il y met le feu et il avale ça ! un seul matelot et gagnait la côte d’un îlot désert.
disait un marin. Ce n’est pas un homme, c’est le Après avoir choisi un bon endroit, il ordonnait à
diable en personne ! son compagnon de creuser un trou profond et
Un autre raconte qu’à Sainte-Lucie Barbenoire d’y déposer la caisse pleine d’or et de bijoux. Puis
s’était enfermé avec tout son équipage dans la il assommait le malheureux, le jetait au fond de
cale de son navire après avoir jeté un tison dans la fosse et la comblait lui-même.
un pot rempli de soufre. Quand les marins — Seuls, le diable et moi nous savons où se
avaient commencé à suffoquer, il s’était écrié : trouve le trésor, déclarait-il ensuite. Et j’ai laissé
« Bande de chiens ! Nous allons voir qui tiendra un de mes hommes pour monter la garde.
Adapté d’Esquive