Page 109 - Album_des_jeunes_1960
P. 109
Jules Verne l’avait prédit
par George Kent
a scène se passe vers 1880 dans un ministère. Un grand homme roux et barbu, qui a demandé à être
1 reçu par un haut fonctionnaire, tend sa carte de visite à l’huissier. A peine celui-ci y a-t-il jeté
un coup d’œil que son visage s’éclaire
— Monsieur Jules Verne ! Asseyez-vous donc, dit-il en avançant une chaise. Avec tous les
voyages que vous faites, vous devez être fatigué !
De fait, à en juger par ses livres, Jules Verne pouv;
tours du monde dont un en 80 jours, parcouru
20 000 lieues sous les mers, accompli un voyage dans la
lune, exploré le centre de la terre, conversé avec les canni
bales d’Afrique et les Indiens d’Amérique du Sud, et visité
pratiquement tous les coins de la planète. Du moins par
la plume.
Car en réalité Jules Verne était un homme plutôt
casanier ; et s’il était fatigué, c’était simplement d’avoir
tenu trop longtemps le porte-plume. Pendant quarante ans
il n’avait guère quitté la petite pièce qu’il s’était fait amé
nager dans la tourelle en briques rouges de sa maison
d’Amiens, produisant en moyenne un roman tous les
six mois.
Mais cet homme tenait du prophète. II avait prévu la
télévision avant même que la radio fût inventée, et ses
hélicoptères volaient un demi-siècle avant l’aéroplane de
Santos-Dumont. Il avait annoncé presque toutes les mer
veilles du xxe siècle, décrit le sous-marin, l’avion, l’éclai
rage au néon, les trottoirs roulants, l’air conditionné, les
gratte-ciel, les fusées téléguidées et les chars d’assaut. Il
est incontestablement le père de la science-fiction.
Il décrivait les inventions futures avec une telle exac
titude dans les détails que ses écrits suscitaient des débats
entre savants. Des mathématiciens passaient des semaines
à vérifier ses calculs. Quand parut son roman De la Terre
à la Lune, 500 personnes se portèrent volontaires pour le
voyage suivant.
Tous ceux dont il fut l’inspirateur lui ont rendu
hommage de grand cœur. L’amiral Byrd, après son célèbre
survol du pôle Nord, affirma qu’il n’avait fait que suivre
les indications de Jules Verne; Simon Lake, un des
premiers constructeurs de sous-marins aux Etats-Unis, a
noté en tête de son autobiographie : « Ma vie a été
orientée tout entière par Jules Verne. » Auguste Piccard,
explorateur des grands fonds marins, Marconi, un des
pionniers de la radio, ont reconnu que Jules Verne avait
été à l’origine de leur vocation scientifique.
Adapté de The Saturday Review 107