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112 LA FIN DE BARBENOIRE LE PIRATE
Barbenoire remonta la côte américaine jusqu’à Maynard fit lever l’ancre et les deux sloops s’enga
la Caroline du Nord, à cette époque colonie gèrent dans la passe. Bientôt il vit nettement la
anglaise, et il proposa au gouverneur de renoncer coque du navire ennemi et il comprit qu’il ne
à la piraterie en échange de son pardon. Le gou pourrait réussir une attaque par surprise. En
verneur eut la faiblesse d’y consentir. Il permit effet, les flancs du navire étaient hérissés de
même à Barbenoire de conserver son navire, de canons de gros calibre. Barbenoire avait été
pénétrer dans le chenal d’Ocracoke et d’établir prévenu !
son quartier général à terre. Après avoir jeté l’ancre hors de portée des
Au début, les colons du voisinage furent très canons, Maynard envoya une embarcation pour
flattés d’être invités à son bord par le pirate, dont sonder le chenal. A peine s’était-elle éloignée qu’il
ils appréciaient les généreuses distributions de y eut là-bas un éclair suivi d’un grondement
rhum. Mais ils ne tardèrent pas à déchanter, car sourd et qu’un boulet siffla dans les airs. Maynard
Barbenoire se mit à leur réclamer toutes sortes dut rappeler ses hommes.
de choses, se montrant de plus en plus exigeant. Cette fois, ce fut Barbenoire qui prit l’initiative.
La situation devint vite intolérable, mais Son équipage grimpa dans les agrès, on largua les
comment se serait-on opposé aux entreprises d’un voiles, et le pirate mit le cap sur les petits sloops.
homme qui disposait de bandes armées et se Mais soudain, le grand navire s’immobilisa : il
réclamait de la protection du gouverneur ? venait de s’échouer sur un banc de sable.
Finalement, les colons appelèrent à leur Avec ses bâtiments légers, Maynard pouvait
secours le gouverneur de la Virginie, la colonie attaquer le pirate par l’avant, en restant hors
voisine, en le suppliant de les débarrasser du d’atteinte des canons. La question était de savoir
pirate. Le gouverneur hésita tout d’abord à s’il aurait le temps de réussir l’opération avant que
intervenir dans les affaires d’une autre colonie, la marée montante eût remis le navire à flot, lui
puis il s’y décida et chargea de l’opération le lieu permettant ainsi de virer pour pointer. Le
tenant Robert Maynard, commandant d’un navire commandant décida d’attaquer.
de guerre britannique. Mais la brise tomba presque aussitôt. Les
matelots durent se mettre à ramer et les sloops
Maynard attaque n’avancèrent plus que lentement. Pourraient-ils
gagner de vitesse la marée montante ?
E chenal d’Ocracoke est une étroite passe La distance diminuait. Déjà on pouvait voir les
dans le banc de sable long de 150 kilo hommes du pirate alignés contre le bastingage. Et
mètres qui s’étend à quelque distance de la côte voilà qu’au dernier moment le navire commença
de la Caroline du Nord. C’est un passage dan à se redresser. « Plus vite ! » hurla Maynard. Ils
gereux, aux fonds sans cesse modifiés par les étaient encore à une centaine de mètres du pirate
marées. Maynard ne pouvait y engager son navire quand celui-ci parvint à virer sur lui-même et fit
sans courir le risque de s’échouer. Il transborda feu de toutes ses pièces.
son équipage sur deux sloops de faible tirant
d’eau et mit trente hommes sur chacun. Chiffre
Le dernier combat
suffisant, pensait-il, pour venir à bout des pirates.
Si les sloops pouvaient manœuvrer facilement aynard était toujours debout à son poste,
dans ces eaux dangereuses, ils ne possédaient pas mais le pont des sloops offrait un affreux
de canons. Maynard devait donc attaquer par sur spectacle. La moitié des matelots étaient morts
prise et atteindre son but avant que l’adversaire ou blessés. Le commandant donna l’ordre aux
ait pu mettre ses canons en batterie. survivants de reprendre les avirons et il poursuivit
Un soir de novembre, les sloops jetèrent l’ancre son avance, seul cette fois, car le second sloop,
à l’entrée du chenal. Là-bas, de l’autre côté du gravement endommagé, commençait à donner de
banc de sable, on distinguait encore dans la la bande.
pénombre les mâts élancés du navire pirate. Mais Bientôt, le bâtiment ennemi se dressa comme
la marée descendait et il fallut remettre l’attaque une muraille devant Maynard et ses hommes.
au lendemain. — A l’abordage ! cria-t-il.
Quand le soleil se leva, tous les regards se diri Soudain, plusieurs bouteilles tombèrent sur le
gèrent vers la côte. Le pirate était toujours là. pont du sloop et explosèrent avec fracas. C’étaient