Page 115 - Album_des_jeunes_1960

les « bombes » de Barbenoire : des bouteilles
remplies de poudre et de grenaille, avec une mèche
servant de détonateur.
Le pont disparut sous un nuage de fumée
suffocante. Au-dessus de lui, Maynard entendit
une voix hurler :
— Allez-y, les gars ! A l’abordage !
Des grappes de pirates sautèrent sur le sloop.
A travers la fumée, il en compta une quinzaine.
Sur le pont ruisselant de sang, il s’avança vers
eux, le sabre dans une main, le pistolet dans
l’autre, suivi par une douzaine d’hommes encore
valides.
Puis la fumée se dissipa et il aperçut son adver­
saire Barbenoire à trois mètres de lui. Le pirate
semblait d’une taille surhumaine. Au-dessus de sa
barbe, ses petits yeux porcins étaient injectés de
sang. Six pistolets pendaient à une corde passée
sur son épaule. Il tenait un autre pistolet dans sa
main gauche, et sa droite étreignait un immense En examinant le cadavre de Barbenoire, les
sabre d’abordage. marins de Maynard constatèrent avec stupeur que
Les deux hommes firent feu en même temps. le pirate n’avait succombé qu’après avoir reçu
Barbenoire manqua son coup. Maynard, lui, eut cinq balles de pistolet et une vingtaine de coups de
la certitude d’avoir touché le pirate, et pourtant sabre. Ils lui tranchèrent la tête qu’ils attachèrent
celui-ci n’en laissa rien paraître. Il s’élança, le au beaupré de l’un des sloops.
sabre haut. Maynard parvint à parer, mais sa Treize des prisonniers furent pendus. Un autre,
lame se brisa sous le choc. Samuel Odell, put prouver qu’il avait été enrôlé
Le pirate tenta de le frapper de nouveau. Au par force. Quant à Israël Hands, le maître d’équi­
moment où son bras s’abaissait, un marin britan­ page de Barbenoire, il avait déjà la corde au cou
nique frappa le géant à la nuque. Le sang jaillit. lorsqu’un bateau arrivant d’Angleterre lui apporta
Le coup porté par Barbenoire dévia. Sa lame la grâce du roi. Il regagna Londres où, jusqu’à la
glissa le long du bras de Maynard et faillit lui fin de ses jours, on le vit mendier son pain dans
trancher les doigts. Une balle atteignit alors le les rues.
pirate en pleine poitrine, mais il ne donnait tou­ La nouvelle de la mort de Barbenoire provoqua
jours pas de signes d’affaiblissement. une explosion de joie sur toute la côte américaine.
La bataille faisait rage. Les hommes luttaient Ce fut comme la fin d’un cauchemar. Avec les
corps à corps et il n’était plus possible de tirer. années, la célébrité du pirate ne cessa de grandir
Pendant quelques minutes, l’issue du combat resta et l’on composa sur lui des chansons, des contes
indécise, puis soudain, comme un arbre qui et même des pièces de théâtre. On n’oublia pas
s’abat, Barbenoire tomba sur le pont. non plus que Barbenoire avait enfoui un peu
Ce fut le signal de la fin. Les pirates survivants partout le produit de ses pillages, et nombreux
sautèrent par-dessus bord pour échapper au car­ furent ceux qui partirent à la recherche de ces
nage. On les repêcha et on les mit aux fers. fabuleuses richesses. Mais, jusqu’à présent, les
Pendant ce temps, le second sloop, qui avait criques désertes ont gardé leur secret et nul n’a
réparé ses avaries, s’emparait du navire ennemi troublé le sommeil des sentinelles solitaires ense­
parti à la dérive avec quelques hommes à bord. velies avec les trésors.

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au Trésor de Barbenoire Entraînez vos amis dans
cette périlleuse aventure !