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608                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                       Pour faire comprendre les données sur   dès qu’on les chauffe, le gaz ammoniacal me parut
                                                               le plus convenable, celui dont l’emploi était le plus
                     lesquelles s’appuyait l’inventeur, nous re­
                                                               facile et devait donner les meilleurs résultats, non-
                     produirons ici la partie de son brevet dans   seulementà cause de ses propriétés physiques, mais
                     laquelle il les explique :                encore par son bas prix et la facilité qu’on avait de
                                                               se procurer partout de l’ammoniaque ou même de
                                                               la fabriquer. Sa stabilité (il ne se décompose qu’à la
                       « Quelques corps, dit M. Ferdinand Carré, ayant   chaleur rouge), sa volatilité extrême, son point
                     la propriété d'absorber à froid des quantités consi­  d’ébullition (à —44°), son calorique latent très-
                     dérables de gaz ou vapeurs, et de les émettre lors­  élevé (500 calories) ; la faculté qu’ilade se dissoudre
                     qu’on les chauffe, surtout dansle vide, cette propriété   sans dégager presque de calorique de combinaison,
                     peut être appliquée à la production du froid et de la   et de se mêler à l’eau presque instantanément dans
                     glace. Le chlorure d’argent, par exemple, absorbe   les proportions moyennes de 500 volumes pour un
                     à froid des quantités considérables de gaz ammoniac.   d’eau, lui valurent toute préférence, et ce choix a
                     Si, lorsqu’il est à peu près saturé, on le renferme   été justifié par les résultats qu’il a fournis. »
                     dans l’une des branches fermées d’un tube recourbé
                     en u renversé, qu’on le purge d’air en chauffant
                     très-légèrement, et qu’on soude l’autre branche; si   Les appareils de M. Ferdinand Carré
                     l’on chauffe ensuite la branche contenantle mélange,   figurèrent à l’Exposition universelle de
                     en maintenant l’autre dans un bain d’eau froide,
                     vers 40 ou 50°, presque tout le gaz ammoniac aura   Londres, en 1862. La foule se pressait au­
                     abandonné le chlorure d’argent, et se sera con­  tour de ses glacières, pour voir les blocs
                     densé ou liquéfié dans la branche opposée à celle qui   énormes d’eau congelée qui sortaient,
                     contenait le mélange. Si alors on place celle-ci dans
                     un vase cylindrique d’une très-petite capacité, con­  d’une manière presque continue, du réfri­
                     tenant de l’eau en même temps que la branche   gérant.
                     opposée est entourée d’un bain d’eau froide assez   Mais arrivons à la description de la mé­
                     volumineux, la propriété absorbante du chlorure
                     d’argent vaporisera promptement l’ammoniaque   thode et des appareils dont il s’agit.
                     liquéfiée ; celle-ci, soutirant son calorique latent de   De tous les corps qui provoquent un
                     vaporisation à l’eau qui entoure la branche, en con­  abaissement de température par leur chan­
                     gèlera une partie. Il est bon que la partie horizontale   gement d’état, aucun ne présente ce phé­
                     du tube soit de plus petite dimension et assez allongée
                     pour éviter le réchauffement dû à la conductibilité.  nomène avec autant d’intensité que le gaz
                       On peut opérer de même avec le chlorure de   ammoniac. Quand on soumet le gaz ammo­
                     calcium vers200 degrés, et le gaz ammoniac et l’eau,   niac à une forte compression, on le liquéfie,
                     l’acide sulfurique monoliydraté et l’eau, une solution
                     saturée d’ammoniaque et d’eau, un hydrate de   et l’on obtient un liquide mobile et prodi­
                     potasse ou de soude concentré au point approchant   gieusement volatil; dès que la pression
                     du monohydrate, etc., etc., en ayant soin de chauffer   exercée sur lui vient à cesser, il reprend
                     au point voulu, selon le mélange employé, pour   la forme gazeuse. D’un autre côté, il n’est
                     volatiliser le liquide au gaz de la solution. Avec le
                     chlorure de calcium et le gaz ammoniac, il faudra   rien de plus facile que de chasser le gaz
                     chauffer environ à 100°: avec le chlorure de cal-   ammoniac de l’eau dans laquelle il est dis­
                     •cium et l’eau, de 190 à 200°; avec l’acide sulfu­  sous : il suffit de faire bouillir cette disso­
                     rique et l’eau, de 300 à 310°; avec une solution
                                                               lution, ou de la chauffer modérément, pour
                     de gaz ammoniac dans l’eau, vers 150° ; avec un
                     hydrate de potasse ou de soude, de 110 à 200°. »   que ce gaz s’en sépare en totalité.
                     Et M. Carré ajoute modestement : « 11 est facile de   C’est sur cette double considération qu’est
                     traduire le principe que je viens d’invoquer en fa­
                     brication pratique de la glace, au moyen d’un simple   fondée la méthode de M. Carré pour la pro­
                     appareil domestique. »                    duction artificielle et économique du froid.
                                                               Imaginez un appareil formé de deux cornues

                       M. Carré ajoute :                       métalliques soudées l’une à l’autre par leur
                                                               col, le tout parfaitement clos et sans com­
                       « Parmi tous les gaz qui ont la propriété de se dis­  munication avec l’extérieur. Dans la plus
                     soudre à froid dans certains corps, et de les quitter   grande de ces cornues, placez une disso-
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