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54                    MERVEILLES DE L’INDUSTRIE

                      averses de grêle, c’est leur marche progres­  Tessier façonna des grêlons provenant de
                      sive sur une grande longueur n’embrassant   cette averse de manière à leur donner la
                      qu’une bande étroite de terrain. La grêle |  grosseur d’un œuf de pigeon, d’un œuf de
                      paraît lancée par un petit nuage qui mar­  poule, d’un œuf de dindon. Les premiers
                      cherait avec rapidité, étendant ses ravages   pesaient 11 grammes, les seconds 23 gram­
                      sur une bande de pays étroite et longue.   mes, les troisièmes 69 grammes.
                        Tous les ouvrages de météorologie citent   Lecoq a suivi, de nos jours, comme Tes­
                      à l’appui de cette remarque, l’orage ter­  sier l’avait fait au siècle dernier, la marche
                      rible du 13 juillet 1788, qui fut décrit par   d’un orage de grêle. C’est celui qui ravagea
                      Tessier (1).                               une partie de la France le 28 juillet 1835.
                        Cet orage commença le matin, dans le       L’orage prit naissance sur l’Océan, vers
                      midi de la France, et se propagea jus- i  10 heures du matin. La grêle tomba d’a­
                      qu’à la mer Baltique, dans la direction    bord sur l’île d’Oléron, d’où le météore s’a­
                      moyenne du sud-ouest au nord-est. Les lieux   vança de l’ouest à l’est. A midi, il traversait
                      ravagés par la grcle formaient deux bandes   le département de la Creuse; vers une
                      généralement parallèles à cette direction.   heure, il entrait dans celui du Puy-de-
                      Le milieu de la bande occidentale coïnci­  Dôme, doublait la montagne qui porte ce
                      dait avec une ligne droite allant de Gand au   nom, et venait s’éteindre sur Clermont-
                      confluent de l’Indre avec la Loire ; et celui   Ferrand, après avoir parcouru 360 kilo­
                      de la bande orientale, avec une ligne me­  mètres environ, en quatre heures et de­
                      née de Malines à Amboise. La bande occi­   mie. Il est à remarquer que les grêlons al­
                      dentale avait 700 kilomètres de long, et   lèrent toujours en grossissant. Tandis qu’ils
                      l’autre 800; la première avait 16 kilomè­  étaient gros comme des noisettes dans la
                      tres, et l’autre 8 de largeur moyenne. Dans   Charente-Inférieure, ils présentèrent près
                      l’espace de quelques heures, 1039 paroisses   d’Aubusson, et près de Clermont, la grosseur,
                      de France furent ravagées. On évalua les   et la forme d’œufs de poule et même d’œufs
                      pertes résultant de cet événement à 25 mil­  de dinde. Le nuage n’était pas très-élevé, car
                      lions. Les deux bandes étaient séparées    le sommet du Puy-de-Dôme ne reçut pas de
                      par un espace d’une largeur moyenne de     grêle, tandis que le petit Puy-de-Dôme, qui
                      21 kilomètres, qui ne reçut que de la pluie.   n’est élevé que de 1,200 mètres, en fut cou­
                      Il plut beaucoup aussi à l’est et à l’ouest   vert.
                      des deux bandes. La grêle ne tomba, en
                      chaque lieu, que pendant dix minutes au      La théorie de la formation de la grêle a
                      plus, mais avec tant d’abondance et les grê­  donné lieu, depuis le commencement de
                       lons étaient si gros qu’ils anéantirent toutes   notre siècle, à d’interminables et très-confu­
                      les récoltes. Tessier conclut de l’enquête à   ses discussions. On a longtemps donné à ce
                      laquelle il se livra, que l’orage avait marché   phénomène une origine uniquement électri­
                      avec une vitesse de 64 à 65 kilomètres par   que. Tout le monde a lu, dans les ouvrages
                      heure.                                     de physique, la théorie de Volta, qui expli­
                         Cet orage de grêle est le plus terrible   que, avec une simplicité par trop naïve, la
                      qu’on ait vu dans nos climats. Afin de     formation des grêlons et leur augmentation
                      faciliter aux météorologistes les moyens   progressive par une espèce de danse entre
                      d’évaluer approximativement leur poids,    deux nuages différemment électrisés, les­
                                                                 quels se renverraient les grêlons, à peu près
                        (1) Mémoires de l’Académie des sciences de Paris pour
                       1790, page 263.                           comme des écoliers se renvoient des balles.
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