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INDUSTRIE DE L’EAU


          ma vie quelques beaux spectacles naturels,   Pendant les étés chauds et pluvieux, les
          mais je dois convenir que rien n égale ce   glaciers descendent assez vite. Ceux du mas­
          que j’ai eu sous les yeux lorsque, en longeant   sif du Mont-Blanc avancèrent tellement de
          le bas du glacier des Bossons, dans la vallée   1846 à 1855, que les habitants du village
          de Chamonix, j’apercevais, en levant les   des Bossons délibérèrent pour savoir s’ils
          veux, cet immense dépôt de glace, d’une   n’abandonneraient pas leurs demeures. A
          épaisseur de 5 à 6 mètres, aussi transparente   l’inverse, par des hivers froids et secs, les
          que le cristal de roche, et dont la teinte   glaciers reculent. C’est ce qui arriva au
          verte était d’une incomparable pureté.    même glacier des Bossons, qui, après 1855,
            La mer de glace que nous représentons   reculade plus de300 mètres.
          ici (fig. 27) est le plus grand, sinon le plus   Ces mouvements de progression ou de
          beau glacier de la vallée de Chamonix.   recul ne peuvent s’accomplir sans amener
         Nous l’avons choisi de préférence, parce   de grandes perturbations et dislocations dans
         qu’il est plus souvent visité parles touristes   la masse du glacier. De là résultent des
         que les autres glaciers de la même vallée ;   fractures effroyables, qui vont quelquefois
         mais il faut dire que ce glacier imposant,   d’un bout à l’autre du glacier, et des disloca­
         il est vrai, par sa masse et ses proportions,   tions partielles, qui donnent naissance à ce
         est composé d’une glace terne, qui n’a pas   que l’on nomme les crevasses et les fentes des
         la pureté de couleur et la transparence qui   glaciers.
         sont propres à d’autres glaciers voisins, tels i   Les fentes ou les crevasses s’accompagnent
         que celui de Bois ou celui des Bossons.   souvent, quand elles se produisent, d’un
           Une des belles découvertes de la science,   bruit terrible. L’œil sonde avec effroi la pro­
         en ce qui concerne les glaciers, se rapporte   fondeur de ces abîmes. Dans l’été, quand le
         au mouvement que l’on a reconnu dans ces   touriste qui parcourt les Alpes, vient admi­
         énormes masses. Un glacier n’est immobile   rer les glaciers, les crevasses ne sont guère
         qu’en apparence : en réalité, il se déplace   qu’un objet de curiosité, mais dans l’hiver,
         continuellement. Ces fleuves gelés sont des   quand la neige récemment tombée, ou les
         fleuves qui marchent. Ils cheminent lente­  tourbillons poussés par le vent, dissimulent
         ment sans doute, mais ils descendent le
                                                   aux regards ces larges solutions de conti­
         long des pentes de la montagne qui forme   nuité, elles constituent un danger redouta­
         leur bassin incliné.
                                                   ble. Malheur au voyageur imprudent qui
           Le phénomène du regel explique la des­
                                                   vient à poser le pied sur les ponts de neiges
         cente du glacier. La glace n’est point plas­
                                                   qui couvrent une crevasse, avant que la neige
         tique, comme la cire ou le plomb, mais, par   ait acquis une solidité suffisante. Les vic­
         la compression, elle se brise et se regèle,
                                                   times des glaciers ne se comptent plus !
         ce qui lui permet de se mouler dans les I
         défilés ou anfractuosités qu’elle rencontre,
         et de se déplacer ainsi, poussée par son
         propre poids. La partie inférieure d’un gla- |         CHAPITRE V
         cier est située dans une vallée dont la tempé­
                                                   LA GRÊLE. — LE GRÉSIL. — LA GELÉE BLANCHE. — LE
         rature est, pendant l’été, à 18 ou 20 degrés.        GIVRE. ’— LE VERGLAS.
         Dès lors, cette extrémité inférieure fond, et, à
         mesure qu’elle se résout en eau liquide, la par­  La grêle est une forme particulière de
         tie supérieure du même glacier descend len­  l’eau solide. Elle est constituée par de petites
         tement, et vient remplacer la partie fondue.  niasses à peu près globulaires et d’une gros-
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