Page 473 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
P. 473

474                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                      mait de l’acide chlorhydrique, qui restai!   plongées. Il évitait ainsi deux inconvé­
                      dissous, et de l’oxygène, qui se dégageait.  nients très-gênants dans la pratique : l’o­
                        Berthollet savait que le chlore, quand il a   deur suffocante du chlore, et l’altération des
                      exercé son action sur les matières coloran­  toiles.
                      tes, est amené à l’état d’acide muriatique   L’établissement créé à Valenciennes pour
                      (chlorhydrique). Il croyait que, dans cette   blanchir les tissus par la méthode de Ber­
                      réaction, le chlore perdait son oxygène,   thollet, rencontra au début de grandes dif­
                      tandis qu’en réalité le chlore, qui, en sa   ficultés. La plus grave était la préparation
                      qualité de corps simple, ne peut rien céder,   du chlore, qui n’avait pas encore été exé­
                      n’avait fait qu’enlever l’hydrogène de la   cutée en grand pour l’usage des manufac­
                      substance colorante.                      tures. Berthollet dut modifier le procédé
                        L’est après avoir observé l’action que le   suivi dans les laboratoires pour la fabrica­
                      chlore exerce en général sur les matières co­  tion du chlore, et imaginer une opération
                      lorantes, que Berthollet songea à décolorer   manufacturière. Le nouveau procédé créé
                      par ce moyen les fils et les toiles, c’est-à-   par Berthollet, fut mis en pratique à Rouen
                      dire à transporter cette réaction dans l’in­  et en Angleterre. 11 consistait à mettre en
                      dustrie. Il se servit d’abord, pour blanchir   présence le peroxyde de manganèse, le sel
                      les toiles, d'une eau de chlore très-concen­  marin, l’acide sulfurique et l’eau. On obte­
                     trée, qu’il renouvelait lorsqu’elle était épui­  nait ainsi le gaz décolorant avec le moins
                     sée, jusqu’à parfaite décoloration des fils   de dépense possible.
                     ou toiles. Mais il s’aperçut bientôt que les   Berthollet recommandait de mêler avec
                     tissus ainsi traités perdaient toute leur   soin l’oxyde de manganèse avec le sel ma­
                     solidité. 11 employa donc l’eau de chlore   rin, d’introduire le mélange dans le vais­
                     affaiblie, qui n’altéra aucunement les     seau distillatoire placé sur un bain de sable,
                     toiles.                                    de verser sur ce mélange l’eau acidulée par
                        Berthollet pensait toutefois que le chlore   l’acide sulfurique, et d’adapter prompte­
                     devait agir comme l’exposition des toiles sur   ment un tube, pour diriger le gaz dans un
                     les prés, qui seule ne suffit pas à décolorer   premier vase, après lequel venait un ton­
                     les tissus, mais qui seulement dispose les   neau, dit pneumatique, aux deux tiers plein
                     parties colorées de la toile à être enlevés à   d’eau. C’est dans ce vase que s’opérait la
                     l'état soluble par l’alcali des lessives. Il fit   dissolution du chlore, c’est-à-dire la prépa­
                     donc suivre le traitement par le chlore d’un   ration du liquide décolorant à l’usage des
                     traitement par les lessives, et il obtint ainsi   manufactures. Un agitateur était adapté au
                     des résultats irréprochables. L’emploi al­  tonneau, pour favoriser l’absorption du
                     ternatif du chlore et des lessives alcalines   chlore. Il fallait, pour blanchir les toiles,
                     donnait un très-beau blanc, sans altérer au­  employer plusieurs lessivages, sans que l’on
                     cunement les tissus. Vers la fin de l’opéra­  pût en préciser le nombre d’avance.
                     tion, Berthollet passait les toiles dans du   Le blanchiment des toiles de coton n’exi­
                     lait aigri ou dans de l’acide sulfurique   geait que deux ou trois lessives alcalines,
                     étendu de beaucoup d’eau, pour obtenir un   et autant d’eaux chlorées.
                      blanc plus éclatant encore.                 Berthollet éprouvait plus de difficultés à
                        En faisant alterner les lessives alcalines   blanchir les fils que les toiles; il considérait
                      et les chlorures, Berthollet put se dispenser   néanmoins le blanchiment des fils comme
                     d’employer une lessive concentrée, et y lais­  plus avantageux pour le fabricant que celui
                     ser, à chaque immersion, les toiles longtemps   des toiles.
   468   469   470   471   472   473   474   475   476   477   478