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MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                       « Dès que le Cl est épuré, l’alcali, suffisamment   En France, Bonjour et Constant appli­
                     étendu d’eau, n’en éprouve plus aucune altération   quèrent les premiers la méthode nouvelle, à
                     et ne produit aucun changement dans sa couleur.
                     Qu’on passe alors ce fil dans l’acide muriatique oxy­  Valenciennes ; Descroisilles la fit connaître
                     géné, dans lequel il commence à avoir de la blan­  aux Rouennais. Lille, Courtrai et la Belgi­
                     cheur, et qu’ensuite on le lessive, l’alcali perd de   que tout entière suivirent l’impulsion qui
                     nouveau sa causticité et prend une couleur foncée
                     comme dans les premières lessives. Le fil de lin con­  venait d’être donnée, et les résultats ne se
                     tient donc des parties colorantes qui peuvent lui   firent pas attendre.
                     être enlevées immédiatement par les lessives, et   Les nouveauxprocédésde Bertholletse pro­
                     d’autres qui doivent éprouver l’action de l’oxygène   pagèrent rapidement à l’étranger. L’Angle­
                     pour être rendues solubles; et par cette action ces
                     dernières acquièrent précisément les propriétés de   terre en eut connaissance pour la première
                     celles qui étaient solubles d’elles-mêmes dans les al­  fois par James Watt, qui avait assisté aux
                     calis, de sorte que l’acide muriatique oxygéné ne
                                                               expériences de Berthollet dans le labora­
                     produit pas dans ces matières colorantes un autre
                     changement que celui par lequel elles sont dispo­  toire même du savant français.
                     sées naturellement à se dissoudre dans les alcalis. »  Le chlorure de chaux, les chlorures de
                                                               soude et de potasse, que Berthollet substi­
                       L’expérience montra à Berthollet que,   tua à l’eau de chlore agissent comme le
                     pour blanchir les toiles, il fallait les laisser   chlore. Ces substances qui, considérées chi­
                     tremper pendant vingt-quatre heures dans   miquement, sont des hypochlorites, se dé­
                     l’eau, ou dans de vieilles lessives, afin d’en   composent, sous l’influence de l’acide carbo­
                     enlever V apprêt, et qu’il fallait, après cela,   nique de l’air, en oxygène et en chlore. Ces
                     faire agir le chlore, enfin lessiver ou rincer   deux corps, le chlore et l’oxygène, s’empa­
                     plusieurs fois à grande eau, pour enlever   rent de l’hydrogène de la matière colorante,
                     tout ce qui est soluble dans l’eau.       pour former de l’acide chlorhydrique, lequel
                       Berthollet fit encore une remarque im­  est incolore et soluble dans l’eau. La matière
                     portante : il vit que les lessives rendues   colorante est donc transformée par le chlore,
                     caustiques par la chaux et soumises à l’ébul­  ainsi que par l’oxygène, en une substance
                     lition, sont plus actives que les lessives car-   sans couleur et soluble dans l’eau.
                     bonatées et peuvent être employées dans un   Les substances d’origine animale sont,
                     état de concentration moins grand, en sorte   comme les matières végétales, enduites d’un
                     que l’emploi des lessives canstiques procure   principe agglutineux coloré, uni à des ma­
                     une économie notable du carbonate alcalin.  tières grasses ou résineuses. Avant d’opérer
                       Berthollet a indiqué une autre source   le blanchiment de ces substances, il faut
                     d’économie, dans l’extraction de la soude   donc enlever les corps gras et résineux par
                     des résidus des lessives par la calcination   des lessives alcalines. Ces lessivages sont
                     du produit évaporé.                       suivis de lavages à l’eau ; et ce n’est qu’après
                       C’est également Berthollet qui remarqua   ces opérations préliminaires qu’il faut avoir
                     que les matières colorantes ont une plus   recours à l’action du chlore. Le chlore n’agit
                     grande affinité pour la chaux que pour les   pas, dans ce cas, comme oxydant, mais
                     alcalis, soude, potasse, etc. De là résulte,   tout au contraire comme désoxydant ou
                     comme il le fit observer, que la chaux    réducteur. Cette désoxydation, qui porte
                     forme sur le lin un précipité difficile à en­  sur la partie résineuse, produit encore une
                     lever, ce qui est un inconvénient pratique.  décoloration.
                       C’est à Paris que Berthollet fit les pre­  La laine et la soie éprouvent de la part du
                     mières applications de sa méthode de blan­  chlore ce même genre d’altération, et passent
                     chiment des tissus.                       au blanc. Pour les étoffes de laine et de soie,
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