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LE BLANCHIMENT.                                  471

         c’est-à-dire déshydrogéné, était le corps que   nouvelle application de la science à l’indus­
         Scheele avait découvert. Ce n’est que dans   trie eut à lutter, au début, contre la routine,
         notre siècle que le nom de chlore fut donné   contre l’ignorance des industriels, enfin
         au gaz jaune que Scheele avait découvert   contre des craintes mal fondées. Cepen­
         en traitant le peroxyde de manganèse par   dant la méthode de Berthollet avait des
         l’acide chlorhydrique.                    avantages si visibles, si immédiats, elle pro­
           Le chlore est un corps simple ; tout le   duisit bientôt de si immenses résultats, que
         inonde le sait. Mais il a été pris assez long­  son triomphe ne se fit pas attendre.
         temps pour un corps composé, et voici pour­  Dans l’origine, Berthollet se servit d’une
         quoi. Quand on soumettait le chlore à l’ac­  dissolution aqueuse de chlore, pour déco­
         tion de la chaleur, ce gaz était toujours   lorer les tissus d’origine végétale. Les chlo­
         chargé d’une certaine quantité de vapeur   rures décolorants remplacèrent l’eau de
         d’eau, sans que les opérateurs pussent s’en   chlore, à la suite d’observations et de décou­
         douter. Or, cette eau se décomposait en   vertes nouvelles de Berthollet, dont nous
         hydrogène et oxygène; ce dernier gaz deve­  parlerons plus loin.
         nait libre, tandis que l’hydrogène se com­  Dans son mémoire de 1785, Berthollet
         binait avec le chlore, pour former de l’a­  donna la théorie, en même temps que la
         cide chlorhydrique. On recueillait donc de   pratique, de l’opération du blanchiment par
         l’acide chlorhydrique et de l’oxygène, quand   le chlore. Cette théorie n’a pas changé de­
         on soumettait le chlore à la simple action   puis, et nous pouvons ajouter que beaucoup
         de la chaleur. D’où l’on concluait que l’ac­  de perfectionnements réalisés de nos jours
         tion de la chaleur avait décomposé le chlore   avaient été déjà indiqués par cet illustre
         en oxygène et en acide chlorhydrique, et   chimiste.
         que, par conséquent, cet acide était de l’a­
                                                     « Je cherchai, dit.Berthollet, à imiter les procédés
         cide chlorhydrique moins de l’hydrogène,   du blanchiment ordinaire, parce que je pensai que
         ou bien que le chlore était de l’acide chlo­  l’acidemuriatique oxygéné devait agir comme l’expo­
                                                   sition des toiles sur le pré, qui seule ne suffit pas,
         rhydrique oxygéné. Ce fut par les recher­
                                                   mais qui paraît seulement disposer les parties colo­
         ches de Bcrthollet et de Fourcroy que l’on   rantes de la toile à être dissoutes par l’alcali des les­
         apprit à se faire une idée plus exacte de la   sives. J’examinai la rosée, soit celle qui se précipite
                                                   de l’atmosphère, soit celle qui vient de la transpira­
         nature du ehlore et à le considérer comme
                                                   tion nocturne des plantes, et j’observai que l’une et
         un corps simple.                          l’autre étaient saturées d’oxygène au point de dé­
           C’est en 1785 que Berthollet appliqua le   truire la couleur d’un papier teint faiblement par le
         chlore au blanchiment. Nous ne craignons   tournesol. J’employai donc alternativement des les­
                                                   sives et l’action de l’acide muriatique oxygéné, alors
         pas de dire que cette découverte met son au­  j’obtins des blancs solides.
         teur au rang des bienfaiteurs de l’humanité.  « Lorsqu’on blanchit du lin sous forme de fil ou de
           Le chlore, proposé par Berthollet comme   toile, par le moyen de l’acide muriatique oxygéné,
                                                   cet acide perd de l’oxvgène, et les parties qui ont
         agent de blanchiment, offrait à la fois deux
                                                   enlevé ce principe deviennent propres à se combi­
         avantages considérables: il supprimait.le   ner avec les alcalis. En répétant l’action de l’acide
         blanchiment sur les prés, qui se trouvaient   muriatique oxygéné et celle des alcalis, toutes les
                                                   parties colorantes sont enlevées successivement et le
         ainsi rendus à l’agriculture, et il abrégeait
                                                   lin devient blanc. Le blanchiment consiste donc à
         considérablement la durée de l’opération,   rendre, par le moyen de l’oxygène, les parties co­
         puisque, au lieu de quelques semaines, on   lorantes qui sont fixées dans les filaments du lin so­
         pouvait, avec le chlore, décolorer les toiles   lubles par les alcalis des lessives, et l’acide mu­
                                                   riatique oxygéné fait avec plus de promptitude et
         ou les fils en quelques jours.            d’énergie ce qu’opère l’exposition sur le pré dans le
           Malgré des avantages aussi évidents, cette   blanchiment ordinaire.
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